Dessins d’antiquités












La Renaissance se signale par le culte de l’Antiquité. Les valeurs et les canons artistiques de l’Antiquité gréco-romaine constituent les critères du jugement esthétique de l’époque. Cette redécouverte massive et systématique de la culture classique explique et suscite l’engouement pour les fouilles archéologiques menées à partir du 15e siècle à Rome.
Les premiers antiquaires recherchent avec passion les vestiges de la civilisation classique, l’architecture et la sculpture en constituant des témoignages éloquents et tangibles, tandis que les humanistes se livrent à une quête effrénée des textes de la littérature gréco-romaine, que l’on redécouvre alors.
Le Forum, vu depuis l’arc de Septime Sévère
L’auteur de ce dessin n’est pas identifié avec certitude. On a tout d’abord évoqué le nom de Jérôme Cock (1507-1570), puis celui de Hendrick Van Cleve (vers 1525-1589). Ce dernier, peintre anversois, élève de son père Willem et de Frans Floris, parcourut tout jeune l’Italie où il dessina d’après nature des paysages, des vues de villes et quantité de ruines, disparues depuis pour nombre d’entre elles. Beaucoup de ses dessins ont été gravés et publiés par Philippe Galle, qui édita notamment, à Anvers en 1587, une suite de trente-huit vues, intitulée Henrici a Cleve ruinarum varii prospectus ruriumque aliquot delineationes. Dix-huit d’entre-elles représentent des vues de ruines romaines, et quelques autres des vues des environs de Rome, Naples et Pouzzoles. À son retour d’Italie, en 1551, il devint membre de la guilde Saint-Luc, corporation des peintres d’Anvers, à laquelle appartenait Jérôme Cock.
Délaissé sous l’Empire en faveur des forums impériaux, le Forum romain fut dévasté au cours du Moyen Âge : au 5e siècle, les Barbares le dépouillèrent de ses trésors et les chrétiens désaffectèrent ses temples qu’ils transformèrent par la suite en églises. En 1085, le normand Robert Guiscard, duc de Pouilles, Calabre et Sicile, le réduisit en un monceau de décombres lorsqu’il vint au secours du pape Grégoire VII, bloqué au château Saint-Ange. La terre ensevelit les ruines laissées à l’abandon, tandis que des familles nobles de Rome prirent possession de certains monuments qu’ils fortifièrent lors des luttes de pouvoir du 12e siècle. On installa, dans le Forum, des fours à chaux où l’on réduisait en poudre les marbres antiques. Dans ce champ de ruines ainsi dépouillé de ses richesses et de ses ornements, on laissa paître les troupeaux. Devenu un marché pour les bestiaux, le Forum prit d’ailleurs le nom de Campo Vaccino, d’où le titre Mercade de le bove écrit à l’encre sur ce dessin où l’on voit des paysans mener un bœuf. Dans l’Antiquité, un vaste marché aux bestiaux, le forum boarium, était situé au pied de l’Aventin. Malgré l’état de délabrement et d’abandon du Forum romain, certains cortèges le traversaient dans sa longueur, de l’arc de Titus à celui de Septime Sévère. Ainsi, pour la venue de Charles Quint à Rome en 1536, le pape Paul III fit tracer une large avenue entre ces deux arcs de triomphe.
Ce dessin, d’une grande importance archéologique, témoigne de l’évolution du Forum et permet plus particulièrement d’observer comment les édifices antiques, les lieux de culte chrétien et les fortifications médiévales étaient alors imbriqués les uns dans les autres. Au premier plan, sur la droite, s’élève une grande tour carrée du Moyen Âge, au pied de laquelle est représentée la base des decennalia Caesarum, colonne érigée au début du 4e siècle pour célébrer les dix années de règne (decennalia) des Césars Constance et Galère ; elle fut découverte en 1547 devant l’arc de Septime Sévère. Tout au fond, on aperçoit l’arc de Titus, qui était alors enserré entre des maisons ; il ne fut dégagé et restauré qu’en 1818. Sur la gauche, se dressent les ruines imposantes de la basilique de Maxence et Constantin, longtemps dénommée Temple de la paix (Templum pacis sur le dessin). Plusieurs temples transformés en églises bordent le Forum : on peut ainsi distinguer la façade du temple de Romulus, qui constitue le vestibule de l’église Saints-Côme-et-Damien, et le portique du temple d’Antonin et de Faustine, occupé depuis le 9e siècle par l’église San Lorenzo in Miranda, ornée en 1602 d’une façade baroque. À l’arrière-plan, figure l’église appelée primitivement Sainte-Marie-Nouvelle (Santa Maria Nuova), avec son campanile du 13e siècle, dénommée, à partir de 1608, Sainte-Francoise-Romaine et revêtue, en 1612, d’une façade baroque, qui n’apparaît bien sûr pas sur ce dessin ; cette église fut élevée sur les ruines du temple de Vénus et de Rome. Une esquisse séparée d’une portion de la façade de l’église Saint-Adrien avec sa tour apparaît au bas du dessin. Cette église située au nord du Forum est en grande partie antique car elle s’installa dans les murs de la Curie, où se réunissait le sénat.
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L’arc de Septime Sévère, vu depuis le Forum
En 203, à son retour d’Orient, Septime Sévère fit construire cet arc de triomphe à une extrémité du Forum, pour commémorer ses campagnes victorieuses sur les Parthes. Les quatre colonnes corinthiennes se détachent de la façade abondamment décorée de frises et de grands panneaux, divisés en registres, figurant des scènes de bataille en Mésopotamie et des cortèges triomphaux. Le dessinateur a représenté le monument à demi-enseveli en se plaçant du côté du Forum. On distingue, devant l’arc, la base des decennalia Caesarum, découverte lors de la fouille de 1547 – également visible sur le dessin du Forum –, et sur la gauche, la tour de l’église Saints-Serge-et-Bacchus, détruite en 1562 ; la présence de ces deux éléments permet de dater le dessin avec certitude entre 1547 et 1562.
Les superstructures qui surmontent l’attique sont des éléments de fortification ajoutés au Moyen Âge. Une famille romaine, les Cimini, s’était en effet emparée de l’arc au 13e siècle pour y habiter et avait établi des crénelages à son sommet. La tour, démolie en 1636, servait de campanile à l’église Saints-Serge-et-Bacchus. Le grand arc central abritait aussi, au Moyen Âge, l’échoppe d’un barbier. L’arc de Septime Sévère se trouvant sur le passage des cortèges pontificaux et des grandes processions romaines, le conseil municipal le fit restaurer en 1469. Sur le dessin, l’arc est en partie enterré : on distingue les colonnes jusqu’à leur base, mais le soubassement est enfoui. En 1563, des fouilles furent exécutées à la demande de Pie IV : on mit au jour le socle, preuve supplémentaire confirmant que le dessin date d’avant 1563. D’autres représentations de l’époque, des dessins de l’architecte Dosio et du peintre Matthijs Bril, ou des estampes d’Étienne Du Pérac par exemple, donnent une vue similaire de l’arc, avec la base enterrée et les adjonctions médiévales, tour et créneaux, mais peu après, dans les gravures d’Androuet Du Cerceau de 1584, il apparaît en entier et dépourvu du crénelage. Le dégagement du soubassement de l’arc fut cependant éphémère, car les terres de la colline du Capitole l’ensevelirent à nouveau. Les gravures des 17e et 18e siècles, de Piranèse notamment, montrent ainsi l’arc à moitié enseveli. Un déblaiement complet fut entrepris en 1803.
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L’arc de Constantin
L’arc de Constantin fut érigé en 315 par le sénat et le peuple romain pour commémorer la bataille du pont Milvius remportée par Constantin sur Maxence en 312. À la suite de celle-ci, qui marque la victoire du monde chrétien sur le monde païen, Constantin se convertit au christianisme. Cet arc de triomphe, aux proportions harmonieuses, est le plus grand et le mieux conservé de Rome ; il fut moins endommagé que les autres en raison de son association avec le premier empereur chrétien. Il comporte des remplois de fragments sculptés de différentes époques ; sa riche décoration de frises et de médaillons représente des scènes de batailles, de chasses et de sacrifices, un cortège de Constantin, un discours impérial et une distribution de pain et d’argent au peuple. L’arc de Constantin passa, au 12e siècle, des mains des moines de San Gregorio entre celles des barons Frangipani, qui le transformèrent en un réduit fortifié, profitant de l’aménagement intérieur, de l’escalier et des salles supérieures. Il devint ensuite propriété du peuple romain qui le vénérait.
Outre l’arc de Constantin, ce dessin figure les vestiges de monuments qui ont disparu par la suite. Sur la droite, apparaissent les restes d’une fontaine de briques construite par Titus et restaurée par Constantin, appelée Meta sudans pour avoir la forme d’un cône d’où l’eau suintait comme de la sueur ; elle fut détruite en 1936. Dans le prolongement de l’arcade du milieu de l’arc de Constantin, on aperçoit les ruines du Septizonium, monument élevé en l’honneur du Soleil, de la Lune et des planètes, construit au début du 3e siècle par Septime Sévère. Façade d’apparat dressée à l’extrémité du Palatin, devant les thermes de Caracalla, il reproduisait un mur de scène, avec trois absides juxtaposées ornées de fontaines et des colonnades étagées sur trois niveaux. Des parties imposantes de cet édifice géant, qui comptait à l’origine sept étages, avec environ 30 mètres de hauteur et 90 mètres de longueur, existaient toujours au 16e siècle. Le Septizonium avec son nymphée est connu par quelques dessins de l’époque. Il fut complètement démoli en 1589, sur l’ordre du pape Sixte Quint par l’architecte Domenico Fontana, dans le cadre du plan de modernisation de Rome consistant à ouvrir de grandes perspectives au détriment des ruines antiques.
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Le Colisée, vue extérieure prise du côté sud
L’amphithéâtre Flavien, le plus grandiose monument de Rome, commencé par Vespasien vers 71 et achevé par Titus, fut appelé Colisée (Colosseum) en raison de la présence à ses côtés d’une statue colossale de Néron. Une fois passé le temps des combats de gladiateurs, interdits en 404, et des martyrs chrétiens livrés aux bêtes fauves, le Colisée subit de nombreuses dégradations au cours du Moyen Âge. Il fut l’objet de luttes intestines entre diverses familles romaines pour sa possession : au 12e siècle, les barons Frangipani, qui tenaient toute la zone environnante avec l’arc de Titus, l’arc de Constantin, le Septizonium et la tour dite Cartularia, en firent une vaste forteresse, allant jusqu’à bâtir des maisons sur l’arène. Il passa ensuite aux Annibaldi. Plusieurs papes s’y réfugièrent lors de leurs luttes contre les empereurs. Au 14e siècle, la commune de Rome devint propriétaire du Colisée, à la suite de la donation octroyée en 1312 par l’empereur Henri VII au sénat et au peuple romain. Peu après, une confrérie religieuse acquit un tiers de l’édifice. Une église y fut édifiée et un théâtre fut installé à une extrémité de l’arène ; de 1490 à 1541, des drames sacrés y furent représentés avec l’autorisation pontificale. Mais les éléments naturels, conjugués aux actions humaines, firent des ravages et amenèrent le Colisée à un état de délabrement avancé. En 1349, un tremblement de terre, provoquant l’effondrement de parties entières de l’édifice, marqua le début de sa ruine. Au 15e siècle, les papes transformèrent l’amphithéâtre en carrière de travertin pour la construction des églises et des palais de la Renaissance : ses dalles de marbre étaient brûlées dans des fours à chaux et ses pierres emportées sur divers chantiers, notamment sur ceux de la basilique Saint-Pierre, du palais de la Chancellerie, du palazzo Venezia et du palais Farnèse. Pour désengorger la circulation romaine, Sixte IV fit construire un pont sur le Tibre avec des pierres du Colisée. Aussi, au 16e siècle, l’édifice était-il en ruines ainsi que l’attestent plusieurs dessins réalisés vers 1550.
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Le Colisée, vue intérieure prise du côté sud
Le Colisée exerça une grande influence sur les architectes de la Renaissance qui reprirent, pour la construction de palais, le principe de la superposition des ordres qui le caractérise : sur quatre étages, les styles dorique, ionique, corinthien et composite y sont en effet assemblés l’un au-dessus de l’autre. Symbole de Rome, ce célèbre édifice, qui impressionnait les voyageurs, fut peint ou dessiné par la plupart des artistes de la Renaissance de passage dans la Ville éternelle, et plus particulièrement par des maîtres flamands et hollandais. Parmi les représentations du Colisée, le dessin le plus ancien que l’on connaisse est dû au peintre hollandais Jan Gossaert (1478-1532), connu également sous le nom de Mabuse, qui donna, en 1509, une vue de l’amphithéâtre fidèle et précise, minutieuse et détaillée. Beaucoup d’autres artistes hollandais représentèrent le Colisée, notamment Maerten Van Heemskerck (1498-1574)3, Jérôme Cock (1507-1570) et Hendrick Van Cleve (vers 1525-1589).
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Le Colisée, vue d’ensemble
Jérôme Cock, l’éditeur d’estampes le plus productif des Pays-Bas, propagea à son retour de Rome, où il séjourna de 1546 à 1548, le goût de l’Antiquité gréco-romaine et publia des estampes d’après Raphaël, Michel-Ange, Bronzino, Titien, le Parmesan... Il grava et publia, en 1551 à Anvers, l’un des premiers recueils d’estampes sur les ruines monumentales de la Rome antique, intitulée Praecipua aliquot romanae antiquitatis ruinarum monimenta[sic], vivis prospectibus, ad veri imitationem affabre designata, constitué de 25 planches gravées à l’eau-forte d’après ses dessins, comprenant plusieurs vues du Colisée.
L’artiste représente avec une certaine mélancolie ces ruines grandioses : envahies par la végétation, couvertes d’arbustes et de mousses, le Colisée apparaît marqué par l’usure du temps. Dans cette feuille, le dessinateur s’est figuré à l’œuvre : il est en effet assis au premier plan dans la vue d’ensemble du Colisée prise depuis le mont Palatin (L. 167) ; sur la droite, à l’arrière-plan, on aperçoit les thermes de Trajan, et sur la gauche, en contrebas, apparaît le sommet de l’arc de Constantin.
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Cour des antiques du cardinal della Valle : vue de la partie gauche
Le palazzo Valle-Capranica, à Rome, a été conçu et aménagé à partir de 1520 à la demande du cardinal Andrea della Valle (1463-1534) par le sculpteur et architecte Lorenzetto, passa, à sa mort, à son neveu Camillo Capranica. Suivant le modèle du Belvédère, le cardinal della Valle avait réuni, dans la cour située au premier étage de son palais, une belle collection de sculptures antiques qu’il avait pu constituer grâce aux découvertes archéologiques de la fin du 15e et du début du 16e siècle. Il s’agissait d’une sorte de loggia ou de jardin élevé (hortus pensilis ou giardino di sopra pour reprendre l’expression de Vasari), agrémenté de quelques végétaux poussant dans des banquettes latérales et d’une volière (aviarum) que l’on regardait à travers les embrasures découpées dans le mur. L’aménagement architectural et décoratif très recherché et la présentation esthétique très soignée de cette riche collection lui valut un grand prestige : elle fit l’objet de nombreuses visites, descriptions et représentations graphiques au cours du 16e siècle. Mais toutes les sculptures, ainsi que l’ensemble des collections de la famille della Valle, furent acquises, en 1584, par le cardinal Ferdinand de Médicis, avant d’être progressivement dispersées entre les différentes demeures des Médicis. Aussi la plupart des pièces que l’on voit sur ces dessins se retrouvent-elles aujourd’hui à Rome à la villa Médicis ou à Florence, au palais Pitti, au musée des Offices, dans les jardins Boboli et à la villa de Poggio Imperiale. La cour des antiques du cardinal della Valle fut ensuite transformée en théâtre, qui donna son nom à la rue où est situé le palais : via del Teatro Valle.
Deux dessins conservés au département des Estampes nous ont légué le souvenir de cette célèbre cour d’antiques du palais della Valle : l’un, attribué au peintre néerlandais Maerten Van Heemskerck (1498-1574), a été tracé entre 1532 et 1536 lors de son séjour à Rome, et l’autre, que l’on peut attribuer à Hendrick Van Cleve, réalisé vers 1550, représente le mur de gauche et une partie de la cour.
Le dessin de Maerten Van Heemskerck fut gravé et édité en 1553 par Jérôme Cock. Maerten Van Heemskerck, peintre et graveur, est né en 1498 dans une famille de paysans à Heemskerck, petit village hollandais près de Haarlem. C’est dans cette ville qu’il fit son apprentissage, vécut la majeure partie de sa vie et mourut en 1574. Il entra dans l’atelier de Jan Van Scorel, qui revenait alors d’Italie et qui l’influença nettement. D’après la tradition, ses progrès excitèrent la jalousie de son maître, qui chassa de son atelier son disciple talentueux. Vers 1532, il partit à son tour pour Rome, où il séjourna jusqu’en 1536. Il exécuta, en Italie, de nombreux dessins aussi bien d’après les antiquités romaines que d’après les œuvres de Raphaël et Michel-Ange. Plus d’une centaine d’esquisses et de dessins conservés de ruines, de paysages et de sculptures antiques, témoignent de sa fascination pour les vestiges de l’Antiquité classique. Les tableaux qu’il peignit par la suite à Haarlem, tout au long de sa carrière, sont souvent marqués par l’influence des maîtres de la Renaissance italienne et par son goût pour les ruines romaines, dont les souvenirs sont consignés dans des carnets d’études, constitués pendant son séjour romain, conservés au Kupferstichkabinett de Berlin. Également peintre verrier et graveur, il exécuta des vitraux en grisaille et laissa de nombreuses estampes, aux sujets bibliques ou allégoriques, qu’il grava lui-même ou fit graver par des praticiens comme Coornhert ou Philippe Galle.
Entre les deux dessins exposés, plusieurs détails diffèrent : le dessin de Heemskerck représente davantage de sculptures et, surtout, figure avec précision la partie droite de la cour du palais du cardinal della Valle, alors qu’elle est masquée par un motif ornemental sur celui de Hendrick Van Cleve. Ce dernier a, en effet, dessiné, sur la droite, un motif de feuilles d’acanthe et de rinceaux. Le dessin de Heemskerck a été diffusé grâce à une gravure à l’eau-forte éditée par Jérôme Cock en 1553, dont une épreuve est conservée au département des Estampes, mais il est “plus précis et surtout moins fantaisiste que l’estampe publiée par Cock avec quelques adaptations”. Pendant son séjour romain dans les années 1532-1536, Heemskerck dessina divers paysages agrémentés de ruines et plusieurs de ces cours d’antiques qui se développaient alors à Rome. Il joue un rôle de pionnier dans le genre de la vue de collection ; témoignant d’un vif intérêt pour ces collections d’antiques, il sait en restituer la présentation à la fois savante et décorative, soucieux d’en souligner l’harmonie, l’équilibre, la symétrie architecturale et l’émotion qu’elle inspire.
Parmi les pièces célèbres de la collection della Valle que l’on distingue sur ces dessins, on peut citer deux sculptures présentées du côté droit : le satyre Marsyas du musée des Offices, écorché et suspendu à un arbre, à l’extrême droite du dessin de Heemskerck, et l’Apollon citharède de Poggio Imperiale, placé dans la première niche de droite. Sur le côté gauche, on remarque également quelques pièces importantes : au premier plan, un piédestal portant une inscription, T. IIULIO AVG, permettant de l’identifier comme un autel funéraire d’un affranchi de Tibère ; juste au-dessus de ce piédestal, on distingue la silhouette d’une statue figurant l’un des deux rois barbares actuellement aux jardins Boboli à Florence ; à côté, dans la niche, une statue représentant Tusnelda, dite aussi Véturie, prisonnière barbare, qui se trouve aujourd’hui également à Florence, sous la loggia des Lanzi ; juste à gauche de la colonne gauche du premier plan, on aperçoit – mais uniquement sur le dessin de Heemskerck – la Minerve du palais Pitti. On repère enfin, dans le registre supérieur du mur gauche, les reliefs de la villa Médicis, de l’époque julio-claudienne.
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Cour des antiques du cardinal della Valle
Le palazzo Valle-Capranica, à Rome, a été conçu et aménagé à partir de 1520 à la demande du cardinal Andrea della Valle (1463-1534) par le sculpteur et architecte Lorenzetto, passa, à sa mort, à son neveu Camillo Capranica. Suivant le modèle du Belvédère, le cardinal della Valle avait réuni, dans la cour située au premier étage de son palais, une belle collection de sculptures antiques qu’il avait pu constituer grâce aux découvertes archéologiques de la fin du 15e et du début du 16e siècle. Il s’agissait d’une sorte de loggia ou de jardin élevé (hortus pensilis ou giardino di sopra pour reprendre l’expression de Vasari), agrémenté de quelques végétaux poussant dans des banquettes latérales et d’une volière (aviarum) que l’on regardait à travers les embrasures découpées dans le mur. L’aménagement architectural et décoratif très recherché et la présentation esthétique très soignée de cette riche collection lui valut un grand prestige : elle fit l’objet de nombreuses visites, descriptions et représentations graphiques au cours du 16e siècle. Mais toutes les sculptures, ainsi que l’ensemble des collections de la famille della Valle, furent acquises, en 1584, par le cardinal Ferdinand de Médicis, avant d’être progressivement dispersées entre les différentes demeures des Médicis. Aussi la plupart des pièces que l’on voit sur ces dessins se retrouvent-elles aujourd’hui à Rome à la villa Médicis ou à Florence, au palais Pitti, au musée des Offices, dans les jardins Boboli et à la villa de Poggio Imperiale. La cour des antiques du cardinal della Valle fut ensuite transformée en théâtre, qui donna son nom à la rue où est situé le palais : via del Teatro Valle.
Deux dessins conservés au département des Estampes nous ont légué le souvenir de cette célèbre cour d’antiques du palais della Valle : l’un, attribué au peintre néerlandais Maerten Van Heemskerck (1498-1574), a été tracé entre 1532 et 1536 lors de son séjour à Rome, et l’autre, que l’on peut attribuer à Hendrick Van Cleve, réalisé vers 1550, représente le mur de gauche et une partie de la cour.
Le dessin de Maerten Van Heemskerck fut gravé et édité en 1553 par Jérôme Cock. Maerten Van Heemskerck, peintre et graveur, est né en 1498 dans une famille de paysans à Heemskerck, petit village hollandais près de Haarlem. C’est dans cette ville qu’il fit son apprentissage, vécut la majeure partie de sa vie et mourut en 1574. Il entra dans l’atelier de Jan Van Scorel, qui revenait alors d’Italie et qui l’influença nettement. D’après la tradition, ses progrès excitèrent la jalousie de son maître, qui chassa de son atelier son disciple talentueux. Vers 1532, il partit à son tour pour Rome, où il séjourna jusqu’en 1536. Il exécuta, en Italie, de nombreux dessins aussi bien d’après les antiquités romaines que d’après les œuvres de Raphaël et Michel-Ange. Plus d’une centaine d’esquisses et de dessins conservés de ruines, de paysages et de sculptures antiques, témoignent de sa fascination pour les vestiges de l’Antiquité classique. Les tableaux qu’il peignit par la suite à Haarlem, tout au long de sa carrière, sont souvent marqués par l’influence des maîtres de la Renaissance italienne et par son goût pour les ruines romaines, dont les souvenirs sont consignés dans des carnets d’études, constitués pendant son séjour romain, conservés au Kupferstichkabinett de Berlin. Également peintre verrier et graveur, il exécuta des vitraux en grisaille et laissa de nombreuses estampes, aux sujets bibliques ou allégoriques, qu’il grava lui-même ou fit graver par des praticiens comme Coornhert ou Philippe Galle.
Entre les deux dessins, plusieurs détails diffèrent : le dessin de Heemskerck représente davantage de sculptures et, surtout, figure avec précision la partie droite de la cour du palais du cardinal della Valle, alors qu’elle est masquée par un motif ornemental sur celui de Hendrick Van Cleve. Ce dernier a, en effet, dessiné, sur la droite, un motif de feuilles d’acanthe et de rinceaux. Le dessin de Heemskerck a été diffusé grâce à une gravure à l’eau-forte éditée par Jérôme Cock en 1553, dont une épreuve est conservée au département des Estampes, mais il est “plus précis et surtout moins fantaisiste que l’estampe publiée par Cock avec quelques adaptations”. Pendant son séjour romain dans les années 1532-1536, Heemskerck dessina divers paysages agrémentés de ruines et plusieurs de ces cours d’antiques qui se développaient alors à Rome. Il joue un rôle de pionnier dans le genre de la vue de collection ; témoignant d’un vif intérêt pour ces collections d’antiques, il sait en restituer la présentation à la fois savante et décorative, soucieux d’en souligner l’harmonie, l’équilibre, la symétrie architecturale et l’émotion qu’elle inspire.
Parmi les pièces célèbres de la collection della Valle que l’on distingue sur ces dessins, on peut citer deux sculptures présentées du côté droit : le satyre Marsyas du musée des Offices, écorché et suspendu à un arbre, à l’extrême droite du dessin de Heemskerck, et l’Apollon citharède de Poggio Imperiale, placé dans la première niche de droite. Sur le côté gauche, on remarque également quelques pièces importantes : au premier plan, un piédestal portant une inscription, T. IIULIO AVG, permettant de l’identifier comme un autel funéraire d’un affranchi de Tibère ; juste au-dessus de ce piédestal, on distingue la silhouette d’une statue figurant l’un des deux rois barbares actuellement aux jardins Boboli à Florence ; à côté, dans la niche, une statue représentant Tusnelda, dite aussi Véturie, prisonnière barbare, qui se trouve aujourd’hui également à Florence, sous la loggia des Lanzi ; juste à gauche de la colonne gauche du premier plan, on aperçoit – mais uniquement sur le dessin de Heemskerck – la Minerve du palais Pitti. On repère enfin, dans le registre supérieur du mur gauche, les reliefs de la villa Médicis, de l’époque julio-claudienne.
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Dessin d'après des sculptures des jardins Carpi : Vénus au bain (bas-relief)
C’est le type de la Vénus au bain qui est représenté ci-dessus : la déesse est figurée accroupie, tournant la tête en arrière, vers l’un des deux enfants ailés et nus – des Cupidon – qui la secondent dans sa toilette. Celui-ci verse sur son dos le contenu d’un alabastron, petit vase à parfum, au goulot étroit et sans anse, servant pour la toilette et les cérémonies religieuses ou funéraires. Devant elle, un deuxième Cupidon tient de ses deux mains une coquille, au-dessus d’un cygne qui tourne la tête pour recevoir caresses ou nourriture de la main de Vénus. Sur la droite, l’eau d’une fontaine s’écoule d’un masque de lion dans une vasque soutenue par un pilier torsadé. Ce dessin reproduit le bas-relief d’un cippe sépulcral, sorte de stèle funéraire, qui se trouvait dans le couvent de la Trinité-des-Monts à Rome jusque vers 1550, avant de passer dans les jardins du cardinal Rodolpho Pio da Carpi, puis d’être acquis au 18e siècle par Thomas Jenkins pour entrer au 19e siècle au British Museum.
Sculpteur rémois, Pierre Jacques (1520-1596), dit Jacques d’Angoulême, poursuivit ses études à Rome. À son retour en France, il séjourna quelque temps à Angoulême et prit le nom de Jacques d’Angoulême. Il retourna à Rome en 1549, avec le cardinal Charles de Lorraine, et y acquit une grande réputation ; en 1550, il exécuta une statue de saint Pierre, qui fut jugée par ses contemporains plus belle que celle que Michel-Ange venait de sculpter. De retour en Champagne en 1553, il réalisa un certain nombre de sculptures dans diverses églises de Reims, notamment le tombeau de saint Remi pour l’église Saint-Remi et celui de Marie de Guise, la mère de Marie Stuart, pour l’église Saint-Pierre-les-Dames ; il sculpta les figures du Retable des Apôtres ou de la Résurrection dans la cathédrale de Reims et une statue de saint André dans l’église du même nom. Il séjourna de nouveau à Rome de 1572 à 1577, où il effectua un ensemble de dessins de marbres antiques d’après les originaux, avant de retourner dans sa patrie.
L’album qu’il a laissé est l’un des rares recueils de dessins archéologiques de cette époque, réalisé sur les lieux, qui nous soit parvenu indemne. L’inscription initiale sur une page de garde, indiquant qu’il fut réalisé en 1603 à Rome, est erronée. D’une importance fondamentale pour l’histoire de l’art et l’archéologie gréco-romaine, il donne un aperçu des sculptures antiques que l’on pouvait voir à Rome à la Renaissance. Lors des fouilles menées aux 15e et 16e siècles, on mit au jour de célèbres œuvres d’art de l’Antiquité, telles que le Laocoon, les Trois Grâces, l’Apollon du Belvédère. Pierre Jacques dessina les statues et les bas-reliefs qui ornaient les monuments et les places de Rome (colonne Trajane, arcs de triomphe, théâtre de Marcellus, mausolée d’Auguste), ainsi que les collections privées et les musées ; on peut voir, dans l’album, des sculptures du palais des Conservateurs sur le Capitole, et quelques belles pièces présentées dans le cortile du Belvédère, conçu en 1503 par Bramante pour abriter les collections pontificales du Vatican.
Rome comptait, au milieu du 16e siècle, près d’une centaine de collections privées d’art antique. Ulisse Aldroandi rédigea alors un catalogue des statues gréco-romaines qui ornaient les cours et les galeries des palais de Rome (Delle Statue antiche che per tutta Roma si veggono, 1556 ; Les Antiquités de la cité de Rome, 1576). Ces riches collections d’antiques des princes et mécènes romains de la Renaissance sont largement représentées dans l’album de Pierre Jacques, notamment celles des cardinaux della Valle et Carpi, du palais Farnèse, des jardins Cesi et Del Bufalo. Au bas de chaque dessin, Pierre Jacques a mentionné la collection ou la localisation des sculptures représentées ; l’album nous donne ainsi de précieuses indications sur des œuvres dispersées et mutilées, qui, pour certaines d’entre elles, ont disparu depuis. Il nous permet de connaître l’état dans lequel se trouvaient alors des sculptures actuellement conservées à Rome, à Florence ou au Louvre, et de constater les restaurations maladroites qu’elles avaient subies à l’époque de leur découverte : les artistes complétaient les morceaux mutilés, ajoutaient aux statues des jambes, des bras, des têtes, qui provenaient parfois d’autres statues, sans se soucier de l’aspect original. Pierre Jacques donne parfois plusieurs vues d’une même statue, en la dessinant sous plusieurs angles. Cet album témoigne de l’enthousiasme de la Renaissance pour l’art de l’Antiquité gréco-romaine.
Pierre Jacques visita plus particulièrement, pendant l’année 1576, les riches collections d’antiques du cardinal Carpi, Rodolfo Pio ; nombre de statues et de bas-reliefs étaient disposés sur la colline du Quirinal dans les jardins du palais romain des princes de la famille Pio, comtes de Carpi. Parmi les marbres antiques dessinés par Pierre Jacques dans les jardins Carpi, on trouve, sur une double page du recueil, une Vénus accroupie et un enfant à l’oie, deux exemples de représentation du corps humain. Par ces copies de sculptures grecques et romaines, les artistes de la Renaissance sont confrontés aux nus et disposent ainsi d’un répertoire nouveau d’attitudes dont ils s’inspireront.
Bibliothèque nationale de France
Dessin d’après des sculptures des jardins Carpi : Enfant à l’oie (statue)
Le thème de l’Enfant à l’oie est récurrent dans la statuaire antique. L’origine de ce motif remonterait à une œuvre en bronze du 3e siècle avant J.-C. signalée par Pline (Histoire naturelle, livre XXXIV) et due au sculpteur grec Boêthos de Chalcédon. De cette sculpture hellénistique originale, conservée au palais Borghèse, il existe plusieurs répliques romaines en marbre, conservées aux musées du Capitole et du Vatican, à la Glyptothèque de Munich et au Louvre (dans la salle des Caryatides). C’est donc une de ces imitations en marbre du bronze de Boêthos que Pierre Jacques dessina dans les jardins Carpi, mais cette dernière s’en inspire librement, puisque l’enfant est couché et non debout. Dans ce groupe du Cupidon jouant avec une oie, l’enfant forme avec l’animal une composition pyramidale pleine de vie.
Sculpteur rémois, Pierre Jacques (1520-1596), dit Jacques d’Angoulême, poursuivit ses études à Rome. À son retour en France, il séjourna quelque temps à Angoulême et prit le nom de Jacques d’Angoulême. Il retourna à Rome en 1549, avec le cardinal Charles de Lorraine, et y acquit une grande réputation ; en 1550, il exécuta une statue de saint Pierre, qui fut jugée par ses contemporains plus belle que celle que Michel-Ange venait de sculpter. De retour en Champagne en 1553, il réalisa un certain nombre de sculptures dans diverses églises de Reims, notamment le tombeau de saint Remi pour l’église Saint-Remi et celui de Marie de Guise, la mère de Marie Stuart, pour l’église Saint-Pierre-les-Dames ; il sculpta les figures du Retable des Apôtres ou de la Résurrection dans la cathédrale de Reims et une statue de saint André dans l’église du même nom. Il séjourna de nouveau à Rome de 1572 à 1577, où il effectua un ensemble de dessins de marbres antiques d’après les originaux, avant de retourner dans sa patrie.
L’album qu’il a laissé est l’un des rares recueils de dessins archéologiques de cette époque, réalisé sur les lieux, qui nous soit parvenu indemne. L’inscription initiale sur une page de garde, indiquant qu’il fut réalisé en 1603 à Rome, est erronée. D’une importance fondamentale pour l’histoire de l’art et l’archéologie gréco-romaine, il donne un aperçu des sculptures antiques que l’on pouvait voir à Rome à la Renaissance. Lors des fouilles menées aux 15e et 16e siècles, on mit au jour de célèbres œuvres d’art de l’Antiquité, telles que le Laocoon, les Trois Grâces, l’Apollon du Belvédère. Pierre Jacques dessina les statues et les bas-reliefs qui ornaient les monuments et les places de Rome (colonne Trajane, arcs de triomphe, théâtre de Marcellus, mausolée d’Auguste), ainsi que les collections privées et les musées ; on peut voir, dans l’album, des sculptures du palais des Conservateurs sur le Capitole, et quelques belles pièces présentées dans le cortile du Belvédère, conçu en 1503 par Bramante pour abriter les collections pontificales du Vatican. Rome comptait, au milieu du 16e siècle, près d’une centaine de collections privées d’art antique. Ulisse Aldroandi rédigea alors un catalogue des statues gréco-romaines qui ornaient les cours et les galeries des palais de Rome (Delle Statue antiche che per tutta Roma si veggono, 1556 ; Les Antiquités de la cité de Rome, 1576). Ces riches collections d’antiques des princes et mécènes romains de la Renaissance sont largement représentées dans l’album de Pierre Jacques, notamment celles des cardinaux della Valle et Carpi, du palais Farnèse, des jardins Cesi et Del Bufalo. Au bas de chaque dessin, Pierre Jacques a mentionné la collection ou la localisation des sculptures représentées ; l’album nous donne ainsi de précieuses indications sur des œuvres dispersées et mutilées, qui, pour certaines d’entre elles, ont disparu depuis. Il nous permet de connaître l’état dans lequel se trouvaient alors des sculptures actuellement conservées à Rome, à Florence ou au Louvre, et de constater les restaurations maladroites qu’elles avaient subies à l’époque de leur découverte : les artistes complétaient les morceaux mutilés, ajoutaient aux statues des jambes, des bras, des têtes, qui provenaient parfois d’autres statues, sans se soucier de l’aspect original. Pierre Jacques donne parfois plusieurs vues d’une même statue, en la dessinant sous plusieurs angles. Cet album témoigne de l’enthousiasme de la Renaissance pour l’art de l’Antiquité gréco-romaine.
Pierre Jacques visita plus particulièrement, pendant l’année 1576, les riches collections d’antiques du cardinal Carpi, Rodolfo Pio ; nombre de statues et de bas-reliefs étaient disposés sur la colline du Quirinal dans les jardins du palais romain des princes de la famille Pio, comtes de Carpi. Parmi les marbres antiques dessinés par Pierre Jacques dans les jardins Carpi, on trouve, sur une double page du recueil, une Vénus accroupie et un enfant à l’oie, deux exemples de représentation du corps humain. Par ces copies de sculptures grecques et romaines, les artistes de la Renaissance sont confrontés aux nus et disposent ainsi d’un répertoire nouveau d’attitudes dont ils s’inspireront.
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Vénus Médicis
Cette Vénus Médicis fut dessinée en 1576 dans la cour d’antiques du cardinal della Valle, dont la collection fut acquise en 1584 par le cardinal Ferdinand de Médicis. Cette sculpture se trouve depuis 1677 à Florence (tribune des Offices). Au verso de ce feuillet, Pierre Jacques a représenté cette même statue sous trois angles différents.
Sculpteur rémois, Pierre Jacques (1520-1596), dit Jacques d’Angoulême, poursuivit ses études à Rome. À son retour en France, il séjourna quelque temps à Angoulême et prit le nom de Jacques d’Angoulême. Il retourna à Rome en 1549, avec le cardinal Charles de Lorraine, et y acquit une grande réputation ; en 1550, il exécuta une statue de saint Pierre, qui fut jugée par ses contemporains plus belle que celle que Michel-Ange venait de sculpter. De retour en Champagne en 1553, il réalisa un certain nombre de sculptures dans diverses églises de Reims, notamment le tombeau de saint Remi pour l’église Saint-Rémi et celui de Marie de Guise, la mère de Marie Stuart, pour l’église Saint-Pierre-les-Dames ; il sculpta les figures du Retable des Apôtres ou de la Résurrection dans la cathédrale de Reims et une statue de saint André dans l’église du même nom. Il séjourna de nouveau à Rome de 1572 à 1577, où il effectua un ensemble de dessins de marbres antiques d’après les originaux, avant de retourner dans sa patrie.
L’album qu’il a laissé est l’un des rares recueils de dessins archéologiques de cette époque, réalisé sur les lieux, qui nous soit parvenu indemne. L’inscription initiale sur une page de garde, indiquant qu’il fut réalisé en 1603 à Rome, est erronée. Cet album témoigne de l’enthousiasme de la Renaissance pour l’art de l’Antiquité gréco-romaine. D’une importance fondamentale pour l’histoire de l’art et l’archéologie gréco-romaine, il donne un aperçu des sculptures antiques que l’on pouvait voir à Rome à la Renaissance. Lors des fouilles menées aux 15e et 16e siècles, on mit au jour de célèbres œuvres d’art de l’Antiquité, telles que le Laocoon, les Trois Grâces, l’Apollon du Belvédère.
Pierre Jacques dessina les statues et les bas-reliefs qui ornaient les monuments et les places de Rome (colonne Trajane, arcs de triomphe, théâtre de Marcellus, mausolée d’Auguste), ainsi que les collections privées et les musées ; on peut voir, dans l’album, des sculptures du palais des Conservateurs sur le Capitole, et quelques belles pièces présentées dans le cortile du Belvédère, conçu en 1503 par Bramante pour abriter les collections pontificales du Vatican. Rome comptait, au milieu du 16e siècle, près d’une centaine de collections privées d’art antique. Ulisse Aldroandi rédigea alors un catalogue des statues gréco-romaines qui ornaient les cours et les galeries des palais de Rome (Delle Statue antiche che per tutta Roma si veggono, 1556 ; Les Antiquités de la cité de Rome, 1576). Ces riches collections d’antiques des princes et mécènes romains de la Renaissance sont largement représentées dans l’album de Pierre Jacques, notamment celles des cardinaux della Valle et Carpi, du palais Farnèse, des jardins Cesi et Del Bufalo. Au bas de chaque dessin, Pierre Jacques a mentionné la collection ou la localisation des sculptures représentées ; l’album nous donne ainsi de précieuses indications sur des œuvres dispersées et mutilées, qui, pour certaines d’entre elles, ont disparu depuis. Il nous permet de connaître l’état dans lequel se trouvaient alors des sculptures actuellement conservées à Rome, à Florence ou au Louvre, et de constater les restaurations maladroites qu’elles avaient subies à l’époque de leur découverte : les artistes complétaient les morceaux mutilés, ajoutaient aux statues des jambes, des bras, des têtes, qui provenaient parfois d’autres statues, sans se soucier de l’aspect original. Pierre Jacques donne parfois plusieurs vues d’une même statue, en la dessinant sous plusieurs angles.
Pierre Jacques visita plus particulièrement, pendant l’année 1576, les riches collections d’antiques du cardinal Carpi, Rodolfo Pio ; nombre de statues et de bas-reliefs étaient disposés sur la colline du Quirinal dans les jardins du palais romain des princes de la famille Pio, comtes de Carpi. Parmi les marbres antiques dessinés par Pierre Jacques dans les jardins Carpi, on trouve, sur une double page du recueil, une Vénus accroupie et un enfant à l’oie, deux exemples de représentation du corps humain. Par ces copies de sculptures grecques et romaines, les artistes de la Renaissance sont confrontés aux nus et disposent ainsi d’un répertoire nouveau d’attitudes dont ils s’inspireront.
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Cerbère avec trois têtes, de chien, de lion et de loup
Cette statue ornant le jardin de la villa Albani subit des dégradations postérieurement au dessin de Pierre Jacques et fut restaurée de manière erronée : la tête de molosse, à gauche, est devenue une tête de lion, et celle de lion, au milieu, une tête de chèvre, si bien que l’on donna à cette sculpture le nom de Chimère Albani.
Sculpteur rémois, Pierre Jacques (1520-1596), dit Jacques d’Angoulême, poursuivit ses études à Rome. À son retour en France, il séjourna quelque temps à Angoulême et prit le nom de Jacques d’Angoulême. Il retourna à Rome en 1549, avec le cardinal Charles de Lorraine, et y acquit une grande réputation ; en 1550, il exécuta une statue de saint Pierre, qui fut jugée par ses contemporains plus belle que celle que Michel-Ange venait de sculpter. De retour en Champagne en 1553, il réalisa un certain nombre de sculptures dans diverses églises de Reims, notamment le tombeau de saint Remi pour l’église Saint-Remi et celui de Marie de Guise, la mère de Marie Stuart, pour l’église Saint-Pierre-les-Dames ; il sculpta les figures du Retable des Apôtres ou de la Résurrection dans la cathédrale de Reims et une statue de saint André dans l’église du même nom. Il séjourna de nouveau à Rome de 1572 à 1577, où il effectua un ensemble de dessins de marbres antiques d’après les originaux, avant de retourner dans sa patrie.
L’album qu’il a laissé est l’un des rares recueils de dessins archéologiques de cette époque, réalisé sur les lieux, qui nous soit parvenu indemne. L’inscription initiale sur une page de garde, indiquant qu’il fut réalisé en 1603 à Rome, est erronée. D’une importance fondamentale pour l’histoire de l’art et l’archéologie gréco-romaine, il donne un aperçu des sculptures antiques que l’on pouvait voir à Rome à la Renaissance. Lors des fouilles menées aux 15e et 16e siècles, on mit au jour de célèbres œuvres d’art de l’Antiquité, telles que le Laocoon, les Trois Grâces, l’Apollon du Belvédère. Pierre Jacques dessina les statues et les bas-reliefs qui ornaient les monuments et les places de Rome (colonne Trajane, arcs de triomphe, théâtre de Marcellus, mausolée d’Auguste), ainsi que les collections privées et les musées ; on peut voir, dans l’album, des sculptures du palais des Conservateurs sur le Capitole, et quelques belles pièces présentées dans le cortile du Belvédère, conçu en 1503 par Bramante pour abriter les collections pontificales du Vatican. Rome comptait, au milieu du 16e siècle, près d’une centaine de collections privées d’art antique. Ulisse Aldroandi rédigea alors un catalogue des statues gréco-romaines qui ornaient les cours et les galeries des palais de Rome (Delle Statue antiche che per tutta Roma si veggono, 1556 ; Les Antiquités de la cité de Rome, 1576). Ces riches collections d’antiques des princes et mécènes romains de la Renaissance sont largement représentées dans l’album de Pierre Jacques, notamment celles des cardinaux della Valle et Carpi, du palais Farnèse, des jardins Cesi et Del Bufalo. Au bas de chaque dessin, Pierre Jacques a mentionné la collection ou la localisation des sculptures représentées ; l’album nous donne ainsi de précieuses indications sur des œuvres dispersées et mutilées, qui, pour certaines d’entre elles, ont disparu depuis. Il nous permet de connaître l’état dans lequel se trouvaient alors des sculptures actuellement conservées à Rome, à Florence ou au Louvre, et de constater les restaurations maladroites qu’elles avaient subies à l’époque de leur découverte : les artistes complétaient les morceaux mutilés, ajoutaient aux statues des jambes, des bras, des têtes, qui provenaient parfois d’autres statues, sans se soucier de l’aspect original. Pierre Jacques donne parfois plusieurs vues d’une même statue, en la dessinant sous plusieurs angles. Cet album témoigne de l’enthousiasme de la Renaissance pour l’art de l’Antiquité gréco-romaine.
Pierre Jacques visita plus particulièrement, pendant l’année 1576, les riches collections d’antiques du cardinal Carpi, Rodolfo Pio ; nombre de statues et de bas-reliefs étaient disposés sur la colline du Quirinal dans les jardins du palais romain des princes de la famille Pio, comtes de Carpi. Parmi les marbres antiques dessinés par Pierre Jacques dans les jardins Carpi, on trouve, sur une double page du recueil, une Vénus accroupie et un enfant à l’oie, deux exemples de représentation du corps humain. Par ces copies de sculptures grecques et romaines, les artistes de la Renaissance sont confrontés aux nus et disposent ainsi d’un répertoire nouveau d’attitudes dont ils s’inspireront.
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Bibliothèque nationale de France, 2004