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Extrait

« Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments. »

Molière, Le Malade imaginaire, acte II, scène 6

MONSIEUR DIAFOIRUS
Allons, Thomas, avancez. Faites vos compliments.

THOMAS DIAFOIRUS est un grand benêt nouvellement sorti des Écoles, qui fait toutes choses de mauvaise grâce, et à contretemps
N’est-ce pas par le père qu’il convient commencer ?

MONSIEUR DIAFOIRUS
Oui.

THOMAS DIAFOIRUS
Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir, et révérer en vous un second père ; mais un second père, auquel j’ose dire que je me trouve plus redevable qu’au premier. Le premier m’a engendré ; mais vous m’avez choisi. Il m’a reçu par nécessité ; mais vous m’avez accepté par grâce. Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et d’autant plus que les facultés spirituelles, sont au-dessus des corporelles, d’autant plus je vous dois, et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd’hui vous rendre par avance les très humbles, et très respectueux hommages.

TOINETTE
Vivent les collèges, d’où l’on sort si habile homme.

THOMAS DIAFOIRUS
Cela a-t-il bien été, mon père ?

MONSIEUR DIAFOIRUS
Optime.

ARGAN, à Angélique
Allons, saluez Monsieur.

THOMAS DIAFOIRUS
Baiserai-je ?

MONSIEUR DIAFOIRUS
Oui, oui.

THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique
Madame, c’est avec justice que le Ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on...

ARGAN
Ce n’est pas ma femme, c’est ma fille à qui vous parlez.

THOMAS DIAFOIRUS
Où donc est-elle ?

ARGAN
Elle va venir.

THOMAS DIAFOIRUS
Attendrai-je, mon père, qu’elle soit venue ?

MONSIEUR DIAFOIRUS
Faites toujours le compliment de Mademoiselle.

THOMAS DIAFOIRUS
Mademoiselle, ne plus ne moins que la statue de Memnon, rendait un son harmonieux, lorsqu’elle venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d’un doux transport à l’apparition du soleil de vos beautés. Et comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique. Souffrez donc, Mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce cœur, qui ne respire, et n’ambitionne autre gloire, que d’être toute sa vie, Mademoiselle, votre très humble, très obéissant, et très fidèle serviteur, et mari.

TOINETTE, en le raillant
Voilà ce que c’est que d’étudier, on apprend à dire de belles choses.

ARGAN
Eh ! que dites-vous de cela ?

CLÉANTE
Que Monsieur fait merveilles, et que s’il est aussi bon médecin, qu’il est bon orateur, il y aura plaisir à être de ses malades.

TOINETTE
Assurément. Ce sera quelque chose d’admirable, s’il fait d’aussi belles cures, qu’il fait de beaux discours.

Molière, Le Malade imaginaire, acte II, scène 6
Molière, Œuvres complètes, vol. VI, Compagnie des libraires associés (Paris), 1773
 
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