Une cartographie abondante et libre

Bibliothèque nationale de France
Carte du Pôle nord
Pour le grand Mercator, à la fin du 16e siècle, le pôle nord n’a pas encore livré tous ses secrets. Le pôle nord magnétique, référence de tous les navigateurs, ne sera découvert dans l’archipel polaire d’Amérique qu’en 1832.
Rehaussée d’aplats de couleurs dans le style caractéristique de la période flamande, cette carte du pôle Nord fait partie de l’Atlas de G. Mercator, premier recueil de cartes désigné sous le titre d’atlas. Avec le Theatrum Orbis Terrarum d’A. Ortelius et le Speculum nauticum de L. J. Waghenaer, c’est l’un des trois atlas majeurs du dernier tiers du 16e siècle.
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Une cartographie abondante et libre
La maîtrise des mers alla de pair avec le développement de la superbe cartographie nautique hollandaise. Au contraire des autres nations maritimes européennes, cette cartographie ne resta pas monopolisée par les commanditaires, même si elle se trouvait tenue de respecter certains secrets de la Compagnie des Indes. Servis par l’expérience des éditeurs et le raffinement des graveurs des Pays-Bas, les cartographes mirent librement en vente une quantité, jamais égalée depuis lors, de guides, de cartes marines et d’atlas qui, peu à peu, décrivirent toutes les mers du globe.
L’abondance et la variété des illustrations et des cartouches, qui montrent toutes les régions du monde sous un jour riant et prospère, traduit sans ambages l’autosatisfaction des marchands bataves. La petite république était devenue la reine du commerce international et la cartographie en était la pacifique ambassadrice.
Présente sur les murs de tous les intérieurs aisés, tels que les dépeignent les tableaux de Vermeer, la carte, devenue tenture murale, animait la vie quotidienne des Hollandais. Quelle est la famille dont un fils ou un frère n’était pas parti chercher fortune aux Indes ? La carte était aussi un lien avec les marins absents.

Atlas nautique
Conçu pour le pilotage en Europe du Nord, ce « miroir de la navigation » est l’œuvre d’un pilote chevronné, le frison Lucas Jansz Waghenaer. C’est le premier routier associant étroitement, pour chaque portion de côte figurée, instructions nautiques, profils de côte et cartes marines. Dressées au 1 : 400 000, celles-ci sont souvent complétées par des plans des ports et des embouchures, donnant des mesures de profondeurs. Il connut dès sa première publication en hollandais (1584) un succès considérable. Sur le frontispice de l’atlas sont réunis les principaux instruments de navigation en usage sur les navires hollandais : quadrant, astrolabe, arbalète, sablier, sonde et les deux compas.
© Bibliothèque nationale de France
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Le premier atlas nautique imprimé fut le Spieghel der Zeevaerdt, publié à Leyde chez Plantin en 1584-1585. Son auteur était le pilote Lucas Janszoon Waghenaer, originaire d’Enkhuizen, un petit port de pêche sur le Zuiderzee, au nord de la Hollande. Cet élégant in-folio proposait, par sections, les cartes des côtes d’Europe occidentale. Composé avec beaucoup de sens pratique, il séduisit aussi par l’élégance de sa gravure et de son décor. Son frontispice célèbre fut copié à plusieurs reprises, notamment en Angleterre.
Des cartes toujours plus complètes, plus exactes et plus belles
L’édition hollandaise, comme tout dans ce pays, vécut dès lors en harmonie avec la mer. Dans le sillage des navires marchands, elle étendit son hégémonie à l’Europe entière. Les grands éditeurs d’Amsterdam au 17e siècle, les Blaeu, père et fils, possédaient la plus importante imprimerie d’Europe, avec au moins neuf presses typographiques, pour les pages de texte, et six presses à taille-douce, pour les gravures. Ils avaient apporté personnellement des améliorations notables aux techniques d’impression. Ils étaient en même temps les cartographes attitrés de la Compagnie hollandaise des Indes orientales. Malgré le secret auquel ils étaient tenus, ils se trouvaient néanmoins remarquablement bien placés pour inonder le marché international de cartes et d’atlas traduits dans les principales langues. Leurs concurrents, les frères Hondius, Visscher, Jan lanssonius, etc. rivalisaient avec eux pour produire des cartes toujours plus complètes, plus exactes et plus belles.
Le siècle des atlas
Le 17e siècle fut le siècle des atlas, et plus particulièrement des atlas hollandais. Ces superbes publications comprenaient plusieurs volumes, douze pour l’Atlas Major de Jan Blaeu, avec environ six cents cartes et trois mille pages de texte. Ce fut l’ouvrage le plus cher de la deuxième moitié du 17e siècle. Il était disponible en édition latine, néerlandaise, française, anglaise et espagnole, mais toujours vendu dans sa reliure d’éditeur en vélin ivoire à décor doré, caractéristique des publications hollandaises. Des reliures de luxe, en maroquin ou en velours, étaient prévues pour les hautes personnalités, mais aussi des cabinets de bois sculpté tel celui qui abrite l’exemplaire de Colbert, paradoxalement conservé à la Bibliothèque de l’université d’Amsterdam.
Les cartes d’atlas étaient également vendues à la feuille, et, si le client le désirait, aquarellées, « lavées » comme on disait à l’époque, par les soins d’un enlumineur, pour quelques florins de plus.