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Le gentil et les trois sages

Raymond Lulle, Electorium magnum
Le gentil et les trois sages
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Une langue, une croyance, une foi, telle est la société unie dont rêve Raymond Lulle (v. 1232-v. 1316), et qui passe par la conversion des infidèles. Au centre du système, un Ars magna universalis ou Grand Art universel — fruit d’une vision —, système logique universel qui grâce à une série de disques pivotants doit permettre, tel un ordinateur, de répondre à toutes les questions nécessaires à leur conversion. On présente ici l’Electorium magnum, monumentale compilation des œuvres de Lulle, réalisée en 1325 par Thomas Le Myésier, son disciple.

Dans un décor naturaliste figurant une rangée d’arbres plantés le long d’un ruisseau, se déploie un discours moral dont les arguments sont classés dans les ramures. Un gentil et trois sages représentant les trois religions (de droite à gauche : un « sarrasin » (musulman), le chrétien, et un juif, sont assis chacun sous un arbre, face à la personnification féminine de la Sagesse, autrement dit de l’Intelligence, qui chevauche un coursier en train de s’abreuver à la source du savoir. Dans l’arbre originel, de larges fleurs aux formes variées portent des noms de vertus (bonté, grandeur, éternité, puissance, sagesse, amour et perfection). Dans la ramure de l’arbre de Sagesse, à la grandeur s’ajoute la vertu d’espérance, à l’éternité la charité, au pouvoir la justice, à la sagesse la prudence, à l’amour la force, à la perfection la tempérance. De même que la cavalière a pour intention de convaincre les infidèles à la foi chrétienne, l’auteur a le souci de convaincre ses lecteurs grâce à un procédé innovant, l’information dispensée à l’aide d’une arborescence d’étiquettes et de panonceaux à lire, les seconds comme un livre, les premiers dans le sens des aiguilles d’une montre. Les arbres des religions suivent le même procédé : des fleurs-étiquettes et un panonceau informatif accroché au tronc. Mais, en lieu et place des vertus, des vices viennent entacher la beauté naturelle de la sagesse, différemment déclinés selon les confessions : les arbres du juif et du musulman, dont les fleurs sont semblables, voient leur floraison gâchée par les vices, on lit sur les pétales, accolés aux noms des vertus, ceux des sept péchés capitaux : la bonté est polluée par la gourmandise, la grandeur par la luxure, l’éternité par l’avarice, etc. En revanche, pour le chrétien, en position centrale puisqu’il s’agit de la meilleure souhaitable, les fleurs, comparables à celles de l’arbre de Sagesse, portent des inscriptions dont le système répétitif de notation montre que les vertus découlent les unes des autres : « espérance-foi / foi-charité / charité-justice / justice-prudence / prudence-fortitude / fortitude-tempérance ».

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1325
  • Lieu
    Arras
  • Auteur(es)
    Thomas Le Myésier, auteur
  • Description technique
    Parchemin, 562 feuillets, 38,5 x 29,5 cm
  • Provenance

    BnF, département des Manucrits, LATIN 15450 fol. 457

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm503200085z