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Exécution de Philotas et de ses complices

Quinte-Curce, Faits et gestes d’Alexandre
Exécution de Philotas et de ses complices
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La cour de Bourgogne comptait depuis le mariage de Philippe le Bon et d’Isabelle de Portugal quelques Portugais lettrés, dont certains firent carrière comme conseiller, traducteur et diplomate. Vasque de Lucène fut l’un d’eux et c’est à la suggestion de la duchesse, dont il était l’échanson, qu’il entreprit la traduction de Quinte-Curce, auteur latin du Ier siècle avant notre ère. La source antique est incomplète et présente bien des inexactitudes, mais elle affiche une intention historique et tranche avec tous les récits légendaires du Moyen Âge que Wauquelin avait réunis et brassés dans son Histoire d’Alexandre en 1448. Ce coup de vent frais sur la légende d’Alexandre intervint vingt ans plus tard, en 1468, lorsque Vasque de Lucène dédicaça sa traduction à Charles le Téméraire, comme pour inaugurer son règne. La nouveauté de l’œuvre lui assura une diffusion rapide à la cour de Bourgogne. Cet exemplaire fut commandé par Louis de Bruges.
Celui-ci fait partie d’un groupe comprenant trois autres exemplaires, produits à Bruges au début des années 1470, présentant des rapports très étroits sur les plans iconographique et stylistique. Tous ont été produits dans la sphère du Maître de Marguerite d’York mais le nôtre présente une association originale d’artistes. Œuvre de collaboration, l’illustration est le fait de deux enlumineurs, tous deux influencés par l’art de Liévin Van Lathem, mais diversement. Ils interviennent de façon alternée, pour exécuter indifféremment grandes et petites miniatures. Le premier, le Maître de Marguerite d’York ou un émule (le Maître de la Genealogia Deorum de Bruges ? ) fait des emprunts ponctuels à Van Lathem mais sans renoncer à sa manière rapide, voire relâchée. Il est l’auteur de dix-neuf miniatures, dont le frontispice (fol. A) qui met en scène Charles le Téméraire recevant la traduction des mains de son auteur. Dans la marge, au milieu de motifs floraux, mais à hauteur du duc, une femme nue se regarde dans un miroir. On peut y voir une allusion au projet littéraire du traducteur, présentant Alexandre en miroir au duc de Bourgogne, ou l’interpréter comme un symbole de vanité, mais il est probable que les deux intentions se recouvrent.
Le second artiste, auteur des vingt-six autres miniatures, est un disciple de Van Lathem, qui assimila davantage son art, partageant avec lui sa manière fine ; modelant, hachurant et colorant ses sujets à loisir pour composer des tableaux plus achevés. Il est l’auteur des plus belles miniatures, comme la scène d’abordage entre un navire de la flotte d’Alexandre et un autre de Tyr (fol. 39v.), réunissant en un tout harmonieux et convaincant des dégradés chromatiques et des contrastes d’ombre et de lumière. L’exécution de Philotas (fol. 114v.) démontre cette même sensibilité à l’atmosphère qui lie les différents plans les uns aux autres, par un effet essentiellement pictural.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Vers 1470 - 1480
  • Lieu
    Bruges
  • Auteur(es)
    Le Maître de Marguerite d’York, enlumineur
  • Description technique
    Parchemin, fol. A-L (cahier du prologue et de la table) + 209 fol. ; environ 378 × 272 mm, 45 miniatures
    Provenance : Louis de Bruges
  • Provenance

    Paris, Bibliothèque nationale de France, Mss, Français 257, fol. 114v.

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1242003356