Pierre Alexandre Wille, L’intérieur de l’Hôtel de Bourgogne, 1767

De ce dessin à la mine de plomb ressort l’impression d’une grande affluence à la Comédie-Italienne. Les loges latérales sont occupées, à gauche, par des spectatrices qui s’offrent aux jeux galants des regards (on va au théâtre, aux 17^e et 18^e siècles, autant pour assister au spectacle que pour se faire voir), tandis que les loges situées sur la scène n’offrent plus aucune place de libre, et semblent même accueillir plus de spectateurs qu’elles ne le peuvent. Au premier plan, le public est représenté par une foule compacte d’où se détachent quelques silhouettes, le reste étant résumé visuellement à des rangées de têtes vues de dos. Par contraste, les trois acteurs paraissent bien seuls, et cela d’autant plus qu’ils se tiennent sur une moitié de la scène. On remarque que celle-ci n’est pas occupée par des banquettes latérales, car l’usage en a été aboli en 1759 : jusqu’à cette date, de riches spectateurs pouvaient s’y tenir ; la coutume en avait été d’abord prise à la Comédie-Française depuis la création du Cid (1637) de Corneille, et la Comédie-Italienne en avait adopté l’usage à son tour. Les jours où le public se presse à la Comédie-Italienne, la promiscuité est telle que des cris peuvent fuser afin de réclamer par exemple de se ranger, et certaines pièces s’en font l’écho, comme dans La Thèse des dames (1695) (II, 13) (cf. tome VI du Théâtre italien de Gherardi) où Arlequin « en nouvelliste » (appelé Monsieur Fort-en-Bec) explique qu’il ne va pas au théâtre : « Moi ? non, depuis que le Parterre a pris la méthode de crier : Haut les bras, haut les bras. Je trouve qu’il est trop incommode de rester dans une loge comme une pagode. »