Gaspard de la Nuit dans le texte
Première préface
— Faites-moi grâce de vos malignités et dites-moi où est monsieur Gaspard de la Nuit.
— Il est en enfer, supposé qu’il ne soit pas ailleurs.
— Ah ! je m’avise enfin de comprendre ! Quoi ! Gaspard de la Nuit serait… ?
— Eh ! oui… le diable !
Merci, mon brave !… Si Gaspard de la Nuit est en enfer, qu’il y rôtisse. J’imprime son livre.
Mots-clés
- 19e siècle
- France
- Littérature
- Romantisme
- Poésie en prose
- Aloysius Bertrand
- Gaspard de la nuit
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La Viole de Gamba
Il reconnut, à n’en pouvoir douter, la figure blême de son ami intime Jean-Gaspard Debureau, le grand paillasse des Funambules, qui le regardait avec une expression indéfinissable de malice et de bonhomie.
Théophile Gautier. — Onuphrius.
Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Que j’écrive un mot.
Ma chandelle est morte,
Je n’ai plus de feu ;
Ouvre-moi la porte
Pour l’amour de Dieu.
Chanson populaire.
Le maître de chapelle eut à peine interrogé de l’archet la viole bourdonnante, qu’elle lui répondit par un gargouillement burlesque de lazzi et de roulades, comme si elle eût eu au ventre une indigestion de comédie italienne.
★
C’était d’abord la duègne Barbara qui grondait cet imbécile de Pierrot d’avoir, le maladroit, laissé tomber la boîte à perruque de M. Cassandre et répandu toute la poudre sur le plancher.
Et M. Cassandre de ramasser piteusement sa perruque, et Arlequin de détacher au viédase un coup de pied dans le derrière, et Colombine d’essuyer une larme de fou rire, et Pierrot d’élargir jusqu’aux oreilles une grimace enfarinée.
Mais bientôt, au clair de lune, Arlequin dont la chandelle était morte suppliait son ami Pierrot de tirer les verrous pour la lui rallumer, si bien que le traître enlevait la jeune fille avec la cassette du vieux.
★
— « Au diable Job Hans le luthier qui m’a vendu cette corde ! » s’écria le maître de chapelle recouchant la poudreuse viole dans son poudreux étui. — La corde s’était cassée.
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Les Grandes Compagnies (1364)
Quelques maraudeurs, égarés dans les bois, se chauffaient à un feu de veille autour duquel s’épaississaient la ramée, les ténèbres et les fantômes.
« Oyez la nouvelle ! dit un arbalétrier. Le roi Charles cinquième nous dépêche messire Bertrand du Guesclin avec des paroles d’appointement ; mais on n’englue pas le diable comme un merle à la pipée. »
Ce ne fut qu’un rire dans la bande, et cette gaieté sauvage redoubla encore, lorsqu’une cornemuse qui se désenflait pleurnicha comme un marmot à qui perce une dent.
« Qu’est ceci ? répliqua enfin un archer, n’êtes-vous pas las de cette vie oisive ? Avez-vous pillé assez de châteaux, assez de monastères ? Moi je ne suis ni saoûl, ni repu. Foin de Jacques d’Arquiel, notre capitaine !… Le loup n’est plus qu’un lévrier… Et vive messire Bertrand du Guesclin, s’il me soudoie à ma taille et me rue par les guerres ! »
Ici la flamme des tisons rougeoya et bleuit, et les faces des routiers bleuirent et rougeoyèrent. Un coq chanta dans une ferme.
« Le coq a chanté et saint Pierre a renié Notre-Seigneur ! » murmura l’arbalétrier en se signant.
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Scarbo
Il regarda sous le lit, dans la cheminée, dans le bahut ; — personne. Il ne put comprendre par où il s’était introduit, par où il s’était évadé.
Hoffmann. — Contes nocturnes.
Oh ! que fois je l’ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu’à minuit la lune brille dans le ciel comme un écu d’argent sur une bannière d’azur semée d’abeilles d’or !
Que de fois j’ai entendu bourdonner son rire dans l’ombre de mon alcôve, et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit !
Que de fois je l’ai vu descendre du plancher, pirouetter sur un pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille d’une sorcière !
Le croyais-je alors évanoui ? le nain grandissait entre la lune et moi comme le clocher d’une cathédrale gothique, un grelot d’or en branle à son bonnet pointu !
Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d’une bougie, son visage blémissait comme la cire d’un lumignon, — et soudain il s’éteignait.
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