Beaumarchais

© Bibliothèque-musée de la Comédie-Française
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799)
Pierre-Augustin Caron, fils d’un horloger parisien, s’est d’abord illustré dans le métier de son père. Il ajoute ensuite à son nom celui de Beaumarchais, et à son premier talent celui d’affairiste, d’agent secret et d’homme de théâtre avec des « parades » érotiques et bouffonnes (vers 1756-1763) ainsi que deux drames bourgeois, Eugénie (1767) et les Deux amis (1770). Doué d’une infatigable énergie, capable de mener de front un procès à rebondissements qui lui vaut son premier succès d’auteur (Mémoires contre Goëzman, 1773-1774), et la rédaction d’une étincelante comédie d’intrigue (Le Barbier de Séville, 1775), il donne à celle-ci une suite retentissante et qui fut jugée scandaleuse, Le Mariage de Figaro (1784), tout en cumulant des activités de trafiquant d’armes avec les « insurgents » américains, d’éditeur de Voltaire (la fameuse « édition de Kehl » ) et de fondateur de la Société des Auteurs dramatiques. Désorienté par la Révolution, qui changeait par trop les règles du jeu et traitait les parvenus comme des ci-devant, Beaumarchais achève sa « trilogie » par un dernier drame, La Mère coupable (1792), qui exorcise sous la figure d’un « méchant » caricatural le mal politique d’une ère nouvelle qu’il avait, fût-ce malgré lui, contribué à instaurer : « Figaro a tué la noblesse » dira Danton.
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Ma vie est un combat
Pierre-Augustin Caron se destinait à une carrière d’horloger comme son père, mais il abandonne tôt le métier, non sans avoir intenté un procès (le premier d’une longue liste) contre Lepaute, horloger du roi, qui lui a volé une invention, un tout nouveau système qui améliore l’exactitude des horloges. Il gagne son procès et est désormais connu à la Cour. À 24 ans, il se marie avec Madeleine-Catherine Aubertin, de dix ans son aînée. Il ajoute à son nom « de Beaumarchais », du nom d’une propriété de son épouse (Le Bois Marchais). Elle meurt l’année suivante et ne touchant aucun héritage, il entre en litige avec son ancienne belle-famille. En 1759, devenu professeur de musique des filles du roi, il se lie d’amitié avec le financier de la Cour, Joseph Pâris-Duverney et devient son fondé de pouvoir. Grâce à son aide, il s’initie aux affaires et gagne assez d’argent pour acheter en 1761 une charge de secrétaire du roi qui lui confère la noblesse. En 1764, il part pour l’Espagne, officiellement pour négocier un monopole de vente d’esclaves et coloniser la Louisiane, officieusement, pour retrouver sa sœur Lisette victime d’un séducteur, Clavijo, qui a bafoué son honneur. Lors de ce voyage à Madrid, il découvre les entremeses, saynètes libertines espagnoles qui l’inspireront pour écrire Le Sacristain, qui, remanié, deviendra dix ans plus tard Le Barbier de Séville.
Quel homme ! Il réunit tout, la plaisanterie, le sérieux, la raison, la gaieté, la force, le touchant, tous les genres d'éloquence.
Il se remarie en 1768 avec une très riche veuve, Geneviève-Madeleine Wattebled, qui lui donnera deux enfants. En 1770, sa femme et sa fille Aimable-Eugénie (qui ne vivra que quelques jours) meurent. De plus, ce deuxième veuvage fait porter le soupçon sur Beaumarchais qui est alors accusé de détournement d’héritage. Pierre-Augustin, le premier enfant issu de cette union, mourra en 1772 à l’âge de 3 ans. À la mort de Pâris-Duverney en 1770, le comte de la Blache devient son héritier. Beaumarchais lui réclame le remboursement de l’argent que le défunt lui avait prêté. La Blache refuse et s’entend avec le juge Goëzman, chargé du dossier, qui fait saisir ses biens. Beaumarchais accuse alors de corruption le juge Goëzman dans ses Mémoires à consulter où il dénonce les abus judiciaires de l’époque, ce qui le rend populaire. Cette publication connaît un vif succès et fera dire à Voltaire : « Quel homme ! Il réunit tout, la plaisanterie, le sérieux, la raison, la gaieté, la force, le touchant, tous les genres d'éloquence. »

Mémoires de Beaumarchais dans l’Affaire Goëzman
Beaumarchais se lance dans les affaires comme collaborateur du financier Pâris-Duverney. Lors de sa mort en 1770, son héritier, le comte de La Blanche, refuse à Beaumarchais l’argent promis. Le procès s’envenime, Beaumarchais accuse le juge rapporteur Goëzman de corruption, le juge l’accuse d’autant. En effet, Beaumarchais a offert des présents d’importance à la femme du juge. Beaumarchais fait appel à l’opinion publique en publiant des Mémoires écrits sur le ton de la comédie à propos de cette affaire. C’est son premier succès d’auteur mais, le 26 février 1774, la femme du juge et Beaumarchais sont condamnés, Beaumarchais est déchu de ses droits civiques et ses Mémoires brûlés.
© Bibliothèque nationale de France
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Parallèlement, il a commencé dès 1762 à écrire des parades et des chansons destinées à être présentées dans un cercle fermé lors de soirées mondaines. Mais ce n’est qu’en 1767 avec Eugénie, drame inspiré de son séjour espagnol, puis avec Les Deux amis ou le négociant de Lyon en 1770 qu’il se fait un nom dans le milieu littéraire. Enfin en 1775, il monte au théâtre Le Barbier de Séville. La pièce d’abord jouée en 5 actes, connaît des longueurs et n’enthousiasme guère. En trois jours, il la remanie, la ramène à 4 actes, en retire les lourdeurs et c’est un succès.

Eugénie
Eugénie est un drame bourgeois, à la manière de Diderot. Dans ce genre théâtral, l’accent est porté sur les relations familiales et les conditions sociales, le ton sérieux enjoint personnages et spectateurs à la vertu, ce qui n’empêche pas un goût prononcé pour le pathos et l’exagération pour favoriser l’empathie. Eugénie, jeune fille incarnant la vertu, a épousé secrètement un libertin, le comte de Clarendon. Or il s’avère que la cérémonie n’était qu’une farce de Clarendon et que son père souhaite la marier à un capitaine. Après quelques rebondissements, Clarendon, repenti, implorera le pardon d’Eugénie.
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Mélac père
Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon est le second drame bourgeois de Beaumarchais, qui reprend un canevas à la mode : deux amis amoureux d’une jeune fille, l’un se sacrifie. Au drame sentimental est jointe la question des enfants naturels (la jeune fille dans cette pièce) et de leur statut en société. Montée à la Comédie-Française, l’accueil de la pièce est tiède. Cinq ans plus tard, Beaumarchais présentera une comédie d’intrigues, Le Barbier de Séville, dont le canevas est emprunté à une parade, courte pièce comique et licencieuse, Le Sacristain, intermède espagnol.
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À la même époque, il accomplit deux missions secrètes au service de la couronne. Il va une première fois à Londres en 1774 afin d’empêcher la publication de pamphlets injurieux contre la comtesse Du Barry, Louis XVI et Marie-Antoinette. Deux ans plus tard, il retourne en Angleterre acheter au célèbre Chevalier d’Eon des plans secrets d’invasion de l’Angleterre par la France. La même année, il achète une quarantaine de bateaux destinés aux Insurgents d’Amérique dans leur guerre d’indépendance vis-à-vis de l’Angleterre mais l’affaire fait faillite et il perd une fortune.
En 1777, la première société de perception et de répartition des droits d’auteur, la Société des auteurs dramatiques pour la défense de leurs droits, est fondée sous l’impulsion de Beaumarchais. « Il vaut mieux, suivant moi, qu’un homme de lettres vive honnêtement du fruit avoué de ses ouvrages que de courir après les places ou les pensions qu’il peut mendier longtemps sans les arracher » dit-il. Puis il publie en Allemagne une superbe édition des œuvres complètes de Voltaire qui vient de mourir. Cette même année naît sa fille Amélie-Eugénie de son union avec Marie-Thérèse de Willer-Mawlaz, qu’il n’épousera que neuf ans plus tard.
En 1784 a lieu la première représentation du Mariage de Figaro, suite du Barbier de Séville. Bien que la pièce soit écrite dès 1778, elle est interdite pendant 6 ans par le Roi qui redoute la réaction du peuple : « C’est détestable, cela ne sera jamais joué » lance-t-il à sa première lecture. Elle est donc fort attendue du public qui se presse à la première, dînant même dans la salle pour ne pas perdre sa place. Ce sera un triomphe. Le troisième volet de cette trilogie L’Autre Tartuffe ou La Mère coupable paraîtra en 1792, sans toutefois connaître le même succès.

Le Comte Almaviva
D’abord opéra-comique, Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile devient comédie accompagnée de chants en quatre actes en 1773, puis en cinq. En 1775, Beaumarchais la monte à la Comédie-Française mais la pièce n’enthousiasme guère. En trois jours, il la remanie, la ramène à 4 actes, en retire les lourdeurs et c’est un succès.
Le comte Almaviva est épris de la jeune et belle Rosine qui est également convoitée par son tuteur, Bartholo. Le comte, aidé dans ses projets par Figaro, se déguise en jeune « bachelier ». Après plusieurs travestissements et quiproquos, il dupe Bartholo et gagne le cœur de Rosine qu’il finit par épouser. En consolation, Bartholo reçoit la fortune de sa pupille. C’est la première pièce de la trilogie ou « roman de la famille Almaviva », suivent Le Mariage de Figaro ou la folle journée et L’autre Tartuffe ou la mère coupable.
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Figaro
Figaro est un picaro de roman, abandonné au berceau, il exerce mille et un métiers (journaliste, barbier, valet...), escroque et vole s’il en a le besoin. Joyeux et de nature indépendante, son ingéniosité le tire de plus d’un mauvais pas. Fiancé à Suzanne, il voit son mariage empêché par une ancienne dette contractée auprès de Marcelline. S’il ne parvient pas à la rembourser, il devra l’épouser, ce qui l’horrifie ! Coup de théâtre, au cours du procès, Bartholo révèle que lui et Marcelline sont ses parents. « MARCELINE. Est-ce que la nature ne te l’a pas dit mille fois ? FIGARO. Jamais. » (III, 16)
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La même année, suite à l’affaire des fusils de Hollande, il est contraint de s’exiler en Allemagne dont il ne rentrera qu’en 1796 suite à une pétition demandant l’annulation de son statut d’émigré. Ruiné, sourd, il rentre à Paris auprès de sa femme et meurt trois ans plus tard, en 1799, à l’avènement de Bonaparte.

La Comtesse Almaviva
L’autre Tartuffe ou la mère coupable est la dernière pièce de la trilogie du « roman de la famille Almaviva », et la moins connue des trois. La première, le 6 juin 1792, est un échec. Figaro, Suzanne, le Comte et la Comtesse vivent toujours ensemble, vingt ans ont passé et la comédie virevoltante laisse place au drame bourgeois. Ils habitent non plus dans le lointain château espagnol d’Aguas frescas mais dans un hôtel particulier du Paris révolutionnaire de 1790. La Comtesse pleure la mort de Chérubin, son amant et père de son fils Léon. Bégerass s’insinue dans leur vie de famille, tel le Tartuffe de Molière, mû par la volonté d’épouser la pupille du Comte, Florestine, et s’assurer ainsi une coquette fortune. Comme dans Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro, la pièce se termine par la réconciliation du Comte et de la Comtesse.
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Provenance
Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2015).
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