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Portraits au crayon de la cour de France
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Personnalité
Albrecht Dürer
Portraits au crayon de la cour de France

Bibliothèque nationale de France
Élisabeth de Valois
Fille aînée d’Henri II et de Catherine de Médicis, Élisabeth de Valois épousa Philippe II, roi d’Espagne, à l’âge de quatorze ans, en 1559 ; il avait plus du double de son âge et l’avait demandée en mariage auparavant pour son fils don Carlos (traité de Cateau-Cambrésis, 1559). Ce mariage inspirera plus tard Schiller (1759-1805) pour sa pièce Don Carlos, mettant en scène l’amour d’un fils pour la seconde femme de son père. La vie Élisabeth de France fut, semble-t-il, très triste à la cour d’Espagne et elle mourut en couches à l’âge de vingt-trois ans. Brantôme fait ainsi l’éloge de la reine : « Fort belle et d’un courage fort constant, [...] princesse la meilleure qui ait été de son temps et autant aimée de tout le monde. » En 1550, Catherine de Médicis avait tenté de la marier à Édouard VI, roi d’Angleterre. Un portrait d’Élisabeth, dessiné par une femme de chambre de sa mère, fut expédié à la cour d’Angleterre et un portrait du jeune roi anglais avait été aussi envoyé en France. Élisabet, alors âgée de cinq ans, donnait « le bonjour au roi d’Angleterre, monseigneur ». Puis, peu avant son mariage avec Philippe II, un portrait d’Élisabeth fut envoyé au roi d’Espagne qui le mit dans sa chambre.
Élisabeth de Valois pratiquait le dessin et la peinture, qu’elle avait appris d’une de ses dames italiennes, Sofonisba Anguissola, et pour lesquels elle se passionnait. L’ambassadeur de France, Sébastien de Limoges, écrit ainsi, le 9 février 1560, à Catherine de Médicis, qu’elle passe « le temps en ung brouillas de portrait qu’elle a facit devant moi aussi promptement qu’elle a bon esprit. Estant incroable comme ayant quelque peu apprins d’une de ses dames italiennes que le roy lui a donnée, elle a proufité en la paincture [...]. M’ayant commandé de vous supplier par le premier lui adresser des crayons de toutes couleurs et bien faicts, qu’elle scayt que Jannet [François Clouet] saura lui préparer dextrement ». Mme de Vimeux, dans une lettre adressée à Catherine de Médicis le 30 septembre 1561, témoigne aussi de ce goût de la reine, qui « passait son temps la plus part à peindre, en quoi elle prenait grand plaisir, de sorte que je pense que devant un an elle sera si bonne maîtresse que celle même qui l’apprend qui est des meilleures du monde ». Quelques mois avant, elle avait envoyé au cardinal de Lorraine « la peinture d’une dame de ce pays, je ne sais si vous la connaîtrez ». Elle avait aussi manifesté ce goût pour les crayons en demandant à Clouet de lui en envoyer à Madrid.
Élisabeth est représentée ici portant l’escoffion et la fraise montante.
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La vogue des portraits
Naissance du portrait individuel

Guillaume Juvenel des Ursins (1401-1472), chancelier de France
Le portrait de cet éminent personnage, nommé chancelier de France en 1445 par Charles VII et maintenu à cette charge par Louis XI, après une brève mise à l'écart, n'a été attribué à Fouquet que dans les années 1860. L'attitude d'oraison du modèle, résolument tourné vers la droite, et le regard orienté dans la même direction sous-entendent l'existence d'un sujet de dévotion, vraisemblablement une Vierge à l'Enfant. L'identification du modèle est confirmée par les allusions héraldiques et emblématiques dont fourmille le luxueux décor architectural de l'arrière-plan, que le chancelier, fier de l'étonnante ascension de sa famille et de sa réussite personnelle, s'est plu à exposer de manière foisonnante sur toutes les œuvres qu'il a commandées. Il fit faire son portrait par Fouquet. Le tableau réalisé est aujourd'hui conservé au musée du Louvre tandis qu'un dessin préparatoire de la tête est conservé au musée de Berlin.
Le portrait définitif présente Guillaume Jouvenel en donateur. On ignore la destination du tableau daté approximativement de 1460. Le tableau donne le sentiment que le dessin a été encore simplifié. La lumière frappant le côté en vue du visage intensifie ce sentiment de simplification, alors qu'un effet de contre-jour aurait contribué à contraster le modelé du visage. La mise en scène laissant voir le personnage aux trois quarts de sa hauteur, l'ampleur des épaules, les éléments du décor… tout concourt à donner au modèle sa noblesse. Le décor du fond est particulièrement significatif. Le visage se détache sur un fond noir encadré d'or, comme un tableau dans le tableau. Ce décor contribue à définir l'importance sociale du personnage et fait partie intégrante du portrait.
Cette conception du portrait d'un individu comme représentant d'un groupe social ne se répandra qu'au 16e siècle. Fouquet en cela fait figure de précurseur.
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Quant au portrait dessiné, il apparaît dès la fin du 15e siècle. Le plus célèbre est le dessin préparatoire au portrait peint de Guillaume Jouvenel des Ursins, réalisé aux crayons de couleurs par Jean Fouquet (1415/1420-1478/1481).
Portraits au crayon
Au 16e siècle, ces œuvres connaissent une vogue surprenante. Le dessin aux crayons, spécificité française, est très apprécié par la cour et par la bourgeoisie. Son originalité provient du procédé utilisé mais aussi de sa fonction. Le plus souvent, il ne constitue pas un dessin préparatoire à un tableau ou une étude de modèle. C’est une œuvre d’art autonome, conçue avec une sobriété de moyens étonnante : un support de papier (350 x 250 mm environ) et des crayons, la pierre noire, la sanguine et la craie blanche. Le dessinateur exploite toutes les ressources que lui offrent ces faibles moyens : hachures, frottis, estompe, surimpression, ou juxtaposition de sanguine et de pierre noire. Le papier sert de fond, un fond lumineux et neutre, espace dans lequel prend forme le visage. Il est aussi jeu de lumière, carnation, grain de peau.

La Belle Agnès : Agnès Sorel
Bibliothèque nationale de France
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François II, dauphin de France, à seize ans
La majorité des rois de France étant fixée à quatorze ans, François II, âgé de quinze ans et demi lors de la mort de son père en 1559, fut proclamé roi et ne régna qu’un an. Il mourut en 1560. Il avait épousé Marie Stuart, la reine d’Écosse, son aînée de deux ans dont il était très épris. Le roi avait une passion pour la chasse et la paume qui, selon Chantonnay ambassadeur d’Espagne, « lui brûle le sang ».
Ce portrait du roi à seize ans est considéré comme le portrait officiel, destiné à être répandu en France et à l’étranger par la gravure. Il est aussi à l’origine d’un portrait en pied et de miniatures. L’expression à la fois sérieuse et juvénile du visage délicatement dessiné, éclairé par la lumière qui vient de la droite, le regard en coin, détourné vers la gauche, la lèvre boudeuse, manifestant tout à la fois de la défiance et un certain mépris, soulignent la maturité précoce du roi. François II porte une toque aplatie ceinturée d’une ganse et ornée de plumes blanches et de quelques perles. Les textures des différents vêtements, très librement rendues, sont remarquables, notamment la fourrure.
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La pierre noire utilisée d’abord crée la forme, le volume et le modelé. Ce schiste argileux, carbonifère, noirâtre, libère les artistes du tracé minutieux à la pointe de métal, et donne une ampleur nouvelle au tracé par son aspect velouté. La sanguine, par sa luminosité, suggère surtout le teint, l’affleurement du sang, la palpitation de la vie. Connue depuis la plus haute Antiquité, cette variété d’oxyde de fer mêlée à de l’argile s’utilise, ici, sous sa forme solide ou en bâtonnet. Une légère touche de crayon brun ou bleu pour l’iris parachève l’œuvre, en préservant toujours une étincelle de lumière, qui fait briller la prunelle, et qui vient du papier. Ces teintes ont entraîné l’appellation de portraits aux « deux crayons », ou aux « trois crayons » lorsque des rehauts de craie qui donnent un certain éclat au visage sont ajoutés. Le pastel, technique nouvelle, un peu plus tardive, qui sera souvent utilisé par les Quesnel et les Dumoûtier, ne se rencontre pas encore dans ces œuvres.

Marguerite de Valois, dite la reine Margot
Ce portrait représente Marguerite de Valois vers l’âge de dix-neuf ans, à l’époque où elle épousa le futur Henri IV (août 1572). Quelques mois avant, le 8 mars 1572, Jeanne d’Albret, la reine de Navarre, avait écrit à son fils Henri au sujet de sa future épouse, la décrivant comme « belle et bien avisée et de bonne grâce, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie », ajoutant qu’elle allait lui envoyer « sa peinture ». Le visage semble ici sculpté par l’estompe et aucune hachure n’apparaît. L’imperceptible sourire dépend autant des lèvres que du modelé, très subtil, de la partie inférieure. La princesse a les cheveux frisés, séparés par une raie médiane et relevés en un chignon retenu par des bijoux. Seul le haut du corsage, une guimpe bouillonnée à collerette montante serrée au cou par un collier de perles fines, est dessiné avec précision. Son regard est tourné vers le spectateur et son expression, assurée et spirituelle, se fait complice du monde extérieur qui l’entoure. Ce portrait a servi d’étude préparatoire à une peinture.
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Marguerite de Valois, enfant
Fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, sœur des rois François II, Charles IX et Henri III, maîtresse du duc de Guise, Marguerite de Valois épousa Henri de Navarre, le futur Henri IV, en 1572. Ce mariage, qu’aucun des deux ne désirait, aboutit rapidement à une séparation. Nymphomane, sa conduite légère et ses intrigues en faveur du duc d’Alençon entraînèrent une mésentente avec son frère Henri III. Elle fut éloignée de la cour. Elle tint alors une cour brillante à Nérac, dans le sud-ouest de la France. Très cultivée, elle écrivit des poésies et des Mémoires. Enfermée à Usson, en Auvergne, de 1587 à 1605, elle y séduisit le gouverneur, avec lequel elle vécut plusieurs années. En 1599, elle accepta l’annulation de son mariage avec Henri IV en faveur de Marie de Médicis. Elle s’y était opposée lorsqu’il s’était agi de la maîtresse du roi, Gabrielle d’Estrées. Elle revint à Paris en 1605.
Ce singulier portrait de la future reine âgée de deux ans, exécuté par Clouet, révèle déjà la forte personnalité de Marguerite. L’intensité de l’expression, la vivacité contenue, la tension qui émane de ce visage d’enfant en font l’une des plus remarquables interprétations de Clouet. La fillette est coiffée en arcelets et porte un escoffion. En 1561, Catherine de Médicis envoya un portrait de Marguerite, âgée de huit ans, à Don Sébastien de Portugal, son fiancé. Il fut très apprécié par la cour de ce pays. Nicot, l’ambassadeur de France, écrit alors : « Le portrait de Madame a tellement contenté tous ceux de ceste Court qu’il n’a esté possible de plus. »
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Des portraits simples et rapides
La composition de la plus grande simplicité est d’un modernisme étonnant : un visage de face ou de trois quarts, où l’expression est privilégiée, est encadré par quelques éléments décoratifs, une coiffe (toque ornée de plumes ou voile) ou une coiffure très élaborée, agrémentée de joyaux, et une collerette souvent de dentelle (fraise courte ou col) ; un début de buste à peine esquissé, quelques traits pour évoquer un vêtement, un bijou, complètent le portrait. La présence altière et réservée des personnages s’impose, et fascine le spectateur.
Je sens portraits dedans ma souvenance, […]
Ton doux maintien, ta douce contenance.
Un seul Janet, honneur de nostre France,
De ses crayons ne les portrairoit mieux
C’est ce moyen d’expression d’exécution rapide, peu onéreux, de circulation facile, mis à la mode par des artistes de qualité, que la cour de France choisira pour se faire fréquemment représenter, afin d’envoyer des portraits à ses parents éloignés ou aux cours étrangères pour se faire connaître.
Les Clouet, père et fils
Jean Clouet, le père
L’innovateur de cette formule, proche de celle d’Holbein, fut Jean Clouet (vers 1475/1485 – Paris, 1540/1541), venu de Bruxelles, installé en France, et cité pour la première fois comme peintre de François Ier en 1516. Il s’inspira des Italiens. Le roi René, à Aix-en-Provence, s’était fait portraiturer plusieurs fois à la pierre noire par un florentin. Un crayon de seconde main conservé au Cabinet des estampes, le portrait à la pierre noire de Laurent II de Médicis, le père de la reine de France, Catherine de Médicis, offre un exemple de ces dessins circulant en France.
À la mort de Jean Clouet, le roi François Ier dira du fils de l’artiste, François, qu’il « a jà très bien imyté [son père], et espérons qu’il fera et continuera encores de bien en mieux cy après ».

Dessin de la tête de François Ier
Connu comme le « premier portrait de Chantilly », ce dessin préparatoire du visage royal, tourné de trois quarts, montre la physionomie la plus connue du roi : les yeux en amande, le grand nez, la barbe, le chapeau à plume… Identifié comme une sorte de modèle officiel, il a servi pour plusieurs tableaux, dont le grand Clouet du Louvre.
Photo © RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojéda
Photo © RMN-Grand Palais (domaine de Chantilly) / René-Gabriel Ojéda

Portrait de François Ier en costume d’apparat
Le visage du roi est semblable à celui qui figure sur le « premier portrait de Chantilly », de Jean Clouet. François Ier, esquissant un sourire, a les yeux fixés sur le spectateur. La monumentalité du portrait, la somptuosité du costume et du décor et les insignes du pouvoir (le collier de l’ordre de Saint-Michel, la couronne sur fond de brocart rouge) font de ce tableau le portrait d’apparat par excellence.
Réalisé à l’époque de sa captivité à Pavie, la forte présence du vêtement royal réaffirme auprès de la cour la puissance du prince. L’habit du souverain est en effet extraordinairement somptueux, du pourpoint de velours de soie rayée à la chamarre brodée au fil d’or, en passant par la chemise de fine toile, le bouffant des manches, les ornements d’orfèvrerie ou le pommeau doré de l’épée… Le tout est aux couleurs du souverain, dont on affirme ainsi l’identité personnelle.
Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
François Clouet, le fils
François Clouet (vers 1510/1515 – Paris, 1572), dit Janet comme son père, continua à utiliser la même technique tout en cultivant un style personnel, moins naturel que celui de son père, un peu plus maniériste. Il allie l’élégance du trait, le raffinement du rendu, le sens du maintien hiératique, tempéré par les courbes du visage, à l’intensité de l’expression.

Marie Stuart jeune
Fille de Marie de Guise ou de Lorraine et de Jacques V d’Écosse, Marie Stuart fut reine d’Écosse à la mort de son père en 1542, sept jours après sa naissance, et reine de France en 1559, à l’âge de dix-sept ans. Sous la régence de Catherine de Médicis, elle fut fiancée au dauphin François et élevée en France. Catherine de Médicis l’appréciait et lui avait offert ses propres joyaux, « les plus belles et les plus grosses perles qu’on ait vues jamais ». Après la mort de son époux, elle regagna l’Écosse. Son catholicisme et son autoritarisme, les révoltes des protestants et des nobles, ses mariages mouvementés provoquèrent son abdication en faveur de son fils Jacques VI en 1567. Elle se réfugia en Angleterre et y passa dix-huit ans en prison. Elle eut l’imprudence d’encourager plusieurs complots dans le but de monter sur le trône d’Angleterre. Élisabeth Ire finit par la faire exécuter. Elle laisse une image tragique et romanesque, qui inspira des écrivains et de nombreux artistes, surtout au 19e siècle.
Il existe une cinquantaine de portraits contemporains, alors que plus de deux cent cinquante portraits de la reine Élisabeth sont connus (enluminures, peintures, dessins, gravures, médailles…). Neuf portraits, sans compter les gravures et médailles, ont été réalisés lors de son séjour en France. Parmi ceux-ci, le portrait de Marie Stuart jeune, le plus remarquable, attribué soit à Clouet, soit à Jacques Decourt dont il serait le chef-d’œuvre, représenterait la reine l’année de son mariage avec le dauphin, en 1558, à l’âge de seize ans, ou peut-être même, selon certains historiens, un peu plus tôt. Brantôme la décrit ainsi : « Venant vers le 15 ans sa beauté commença à paraître, comme la lumière en plein midi et en effaça le soleil, lorsqu’il luisait le plus fort, tant la beauté de son corps était belle. Et pour celle de l’âme, elle était toute pareille. »
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Marie Stuart en deuil blanc
En l’espace de dix-huit mois, Marie Stuart perdit trois se ses proches : son beau-père Henri II, au cours d’un tournoi en 1559 ; sa mère Marie de Guise, en juin 1560 ; et son époux François II, en décembre de la même année. Ce dessin d’une grande qualité, qui a pu être exécuté entre juillet 1559 et août 1561, est à l’origine de différentes œuvres conservées. La reine fut en deuil blanc dès la mort de son beau-père. Six mois avant la mort de son mari, elle écrit à la reine d’Angleterre Élisabeth Ire : « Je m’aperçois que vous m’aimez mieux lorsque je parais triste que quand je parais gaie car j’ai appris que vous désirez avoir mon portrait quand je porte le deuil. » Et Brantôme commentera ainsi l’aspect de Marie Stuart en deuil : « Son grand deuil blanc, avec lequel il la faisoit très beau voir, car la blancheur de son visage contendoit avec la blancheur de son voile à qui l’emporteroit, mais enfin l’artifice de son voile la perdoit, et la neige de son visage effaçoit l’autre : aussi se fit-il à la court une chanson d’elle portant le deuil. »
C’est ainsi que Clouet l’a portraiturée, et cette vision surréaliste de la reine est fascinante. Les voiles qui recouvrent entièrement la tête et le buste donnent une impression de retrait, d’enfermement, et intensifient l’expression du visage, seul dessiné avec précision. Marie porte le bonnet de veuve recouvert par un long voile tombant dans le dos, rendu célèbre par Catherine de Médicis qui l’adopta à la mort de son époux. Une vêtement de gaze, très ajusté autour du cou, s’évase en dissimulant toute les formes. Seul un faisceau de plis serrés qui part du menton souligne le buste. Le poète Ronsard possédait une copie de ce dessin.
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Le plus singulier dans sa manière est la distance qu’il arrive à maintenir entre l’univers de ses personnage et celui des spectateurs.
Des artistes pensionnés attachés à la cour

Henri II
Roi à vingt-huit ans, il donna à sa maîtresse Diane de Poitiers un pouvoir considérable. Elle devint toute puissante. Sous son influence, Henri II laissa se développer la puissance des Guise hostiles aux protestants. Lors d’un tournoi organisé pour les fêtes du mariage de sa fille Élisabeth de France avec Philippe II, roi d’Espagne, le roi de France qui arborait les couleurs blanche et noire de Diane de Poitiers, et qui avait rompu déjà plusieurs lances, voulut finir sur un coup d’éclat. Il ordonna à son capitaine des gardes écossaises, Gabriel de Montgoméry, de courir contre lui, et fut mortellement blessé d’un coup de lance au front et à l’œil. Il semble que le célèbre Nostradamus, médecin, astrologue et conseiller du roi, avait, dans un quatrain, prédit cette fin. De même, l’observation des conjonctions astrales, auxquelles on attachait une grande importance, laissait prévoir une blessure mortelle à la tête.
L’historien Yvan Cloulas rapporte l’opinion des ambassadeurs vénitiens sur le physique du roi : “Henri a une haute stature. Il est fort bien proportionné. Il a le teint mat, un beau front dégagé sous une chevelure noire, des yeux sombres et brillants. Il porte la barbe en pointe, longue de deux doigts. Contarini trouve cette physionomie agréable bien qu’à son goût le nez soit trop grand et le dessin de la bouche ordinaire.” Brantôme, dans son Éloge d’Henri II, le dit “beau encore qu’il fut un peu moricaud”.
Ici, Clouet a représenté Henri II à trente-trois ans, en buste de trois quarts gauche, avec une expression de défiance dans le regard. Il est coiffé d’une toque ; son vêtement au petit col rabattu et son collier sont très légèrement esquissés. Cela suffit pour suggérer le volume, l’ampleur du buste et, par contraste, pour mettre en valeur le visage très élaboré. Celui-ci, aux contours précis (yeux, nez, oreille), offre une carnation à la sanguine, avec des hachures parallèles à la pierre noire, les deux crayons étant estompés par endroits, et parfois superposés pour créer des zones d’ombre et suggérer le modelé. Des traits fins et appuyés se distinguent sur l’ensemble de la chevelure et de la barbe. La clarté de la perle en pendant d’oreille accentue celle des prunelles et attire l’attention sur le début du cou qui dégage le visage allongé et l’équilibre en largeur. La lumière suggère les volumes, et des effets subtils soulignent le léger gonflement des paupières inférieures. Le toquet plat, ceinturé d’une ganse, laisse voir l’extrémité bombé du front et la chevelure au-dessus de l’oreille, contribuant, en allongeant le visage, à donner un peu plus d’aisance à l’attitude du roi engoncé dans ses vêtements.
La comparaison avec le portrait de Charles IX permet de saisir comment quelques détails vestimentaires situent le personnage dans l’espace de la feuille et accentuent l’impression d’âge mûr ou de jeunesse. Le roi, l’air un peu las, regarde avec hauteur, d’un air avisé et un brin sceptique le spectateur. Ce dessin a servi pour deux peintures, un portrait en buste et un portrait équestre.
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Charles IX
La personnalité du roi paraît impénétrable dans ce portrait datant de l’époque du mariage du roi (1570), à l’origine de diverses œuvres et même d’une diffusion de l’image royale par une gravure de Thomas de Leu. Proche de celui d’Henri II, il en diffère cependant par un modelé plus accentué. La sanguine est aussi utilisée d’une manière plus soutenue, plus variée, légère pour la carnation, et curieusement privilégiée pour le rendu de la barbe. Le visage est agrémenté par la toque vaporeuse ornée de pierreries, à petits bords et au plumet en boucle, plus élevée que sous François II, attirant le regard du spectateur vers le haut. L’impression d’élégance altière, qu’offre le visage de ce roi de vingt ans environ, en est accentuée.
Dimier a attribué cette œuvre à Clouet, et Jean Adhémar à Pierre Gourdelle (vers 1540-vers 1590). Peintre et valet de chambre ordinaire du roi, cet artiste garda son titre sous Henri III. Il fut en même temps peintre de la reine mère. À partir de 1587, il édita des portraits gravés, parfois d’après ses dessins. En secondes noces, il épousa une fille du peintre Antoine Caron. Il mourut après 1588.
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Les Clouet, artistes pensionnés ce qui est rare à l’époque, étaient attachés à la cour. François réalisera le moulage du visage et des mains des rois François Ier et Henri II, lors de leur décès. C’est sous le règne d’Henri II (1547-1559), que François éclipsa le peintre du roi, Guillaume Boutelou, et fut le plus sollicité. Pendant dix ans, il eut le titre de peintre du roi, puis il dut répondre à des commandes plus ponctuelles, jusqu’à sa mort en 1572. Il bénéficia de l’intérêt que la reine Catherine de Médicis portait aux crayons.
Il connut une vogue considérable, et les poètes le chantèrent.
« Pein moy, Janet, pein moy, je te supplie,
Sur ce tableau les beautez de m’amie
De la facon que je te les diray »
Les nombreux élèves et les suiveurs de Clouet diffusèrent et prolongèrent cette formule avec plus ou moins de talent jusqu’au 17e siècle. L’attrait de ces portraits entraîna une forte demande et, par là même, une certaine médiocrité d’exécution et de nombreuses copies. Il était de mode d’avoir sur sa table et dans son cabinet des livres de portraits, recueils qui commençaient par des séries de rois et de reines et qui se terminaient par les contemporains illustres.
Les usages des portraits de cour
Catherine de Médicis et les portraits diplomatiques
La reine Catherine de Médicis était très amateur de portraits. Elle possédait, semble-t-il, une collection de quelques centaines de portraits dessinés. Sur certains d’entre eux, annotés, l’historien Moreau-Nélaton distingue l’écriture de la reine ou de ses secrétaires, affirmation contestée par un autre historien, Dimier.

Élizabeth d’Autriche
Fille de Maximilien d’Autriche, empereur d’Allemagne, petite-fille de Charles Quint, femme de Charles IX, Élizabeth d’Autriche fit son entrée solennelle à Paris en 1571, après son mariage. Le décor de son sacre à Saint-Denis symbolisait l’amitié naturelle entre la France et la Germanie. Toutes ces manifestations furent fastueuses. Cette belle reine de seize ans, timide et effacée, eut beaucoup de difficulté à s’intégrer à la cour de France, d’autant qu’elle parlait mal le français. Le roi la délaissa. Après la mort de Charles IX, elle refusa les brillants mariages qui lui étaient proposés, quitta la France en 1575, et se retira à Vienne, dans le couvent Sainte-Claire qu’elle avait fondé. Elle laissa sa fille unique à Catherine de Médicis. Elle mourut en 1592, à l’âge de trente-huit ans.
La reine est représentée ici en buste, de trois quarts gauche, coiffée en arcelets, portant un escoffion et une courte fraise. Des perles et des joyaux ornent sa coiffure, son col, son corsage à épaulières et sa guimpe bouillonnée. En dessinant ce visage délicat, frémissant de vie derrière la transparence de la carnation, et malgré l’expression lointaine et impassible du regard tout intérieur, Clouet a réalisé un chef-d’œuvre. C’est d’après ce dessin qu’il peignit le portrait du Louvre, dont l’expression diffère légèrement. Le visage est plus ovale, les yeux moins allongés et le contour du front à droite semble plus élevé et plus bombé. L’impression de prestance que dégage le portrait dessiné, est atténuée par l’ajout des bras repliés et des mains, qui alourdissent l’ensemble.
Bibliothèque nationale de France
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Catherine de Medicis, reine de France, en veuve à soixante ans
Après la mort d’Henri II, en 1559, Catherine de Médicis, âgée de quarante ans, profondément touchée, porta le deuil toute sa vie et resta vêtue de noir. Elle exclut le luxe vestimentaire qu’elle affichait du vivant de son mari et s’habilla de robes de laine noire. À deux reprises, lors des mariages de Charles IX et Henri III, elle arbora des robes de soie et de velours sombre. Elle joua de ses vêtements de veuve comme d’un pouvoir. Elle se servit également de son deuil pour exalter la mémoire du roi défunt. Dans son hôtel, sa demeure personnelle, elle fit construire une colonne colossale dont la décoration indiquait qu’il s’agissait d’un monument de piété conjugale. La douleur et la fidélité de la reine y étaient symbolisées par un semis d’ornements en relief, de fleurs de lys, de cornes d’abondance, de miroirs brisés, de lacs d’amours déchirés ou de C et de H entrelacés. Cette colonne, seul vestige de ce lieu, est appelée colonne de l’Horoscope. La suite de tapisseries, L’Histoire de la reine Artémise, dédiée à Catherine de Médicis, exalte aussi l’amour que la reine portait à son époux défunt, l’éducation exemplaire qu’elle donnait à son fils et les réalisations architecturales dont elle était l’initiatrice.
Bibliothèque nationale de France
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Elle fit faire à maintes reprises les portraits des membres de la famille royale et de la cour, « toute cette belle troupe de dames et demoiselles, créatures plutôt divines qu’humaines » selon le mémorialiste Brantôme, à laquelle s’ajoutaient les grands de la cour, les généraux et les maréchaux. Ces portraits, peints ou dessinés, jouaient aussi, parfois, un rôle diplomatique. Ils étaient envoyés aux cours princières lors de projets de mariage. Le roi d’Espagne Philippe II avait dans sa chambre le portrait de sa fiancée qu’il ne connaissait pas.
Élisabeth d’Angleterre refusa d’épouser Henri III après avoir vu son portrait. Elle le trouvait trop âgé et avec le visage « chafouré de charbon ». Il en était de même dans les autres cours d’Europe. Ainsi en Angleterre, le célèbre peintre Holbein avait portraituré les filles de la duchesse de Guise et de la duchesse de Lorraine, pour le roi d’Angleterre Henri VIII, veuf d’Anne Boleyn, qui voulait épouser une princesse française. Le même portrait circulait parfois dans plusieurs cours. S’il était nécessaire, une copie en était faite. Il semble que les peintres conservaient dans leur atelier des albums de prototypes de personnages célèbres, qui servaient à satisfaire les commandes des portraiturés ou des amateurs.

Le futur Henri III
Élu roi de Pologne, Henri III dut revenir en France pour succéder à son frère Charles IX. Il épousa Louise de Lorraine en 1575. Il se heurta aux protestants et aux catholiques qui avaient formé la Sainte Ligue. Il ne put réaliser l’unité comme il le souhaitait et éviter la « guerre des Trois Henri » : Henri III, à la tête des royalistes ; Henri de Navarre, le futur Henri IV, à la tête des protestants ; et Henri de Guise, à la tête des catholiques. Le roi dut s’enfuir de Paris laissant la place à Henri de Guise soutenu par la population lors de la « journée des barricades ». Il convoqua les états généraux à Blois en 1588 et fit assassiner le duc de Guise. Puis il s’allia à Henri de Navarre, et c’est alors qu’ils s’apprêtaient tous deux à reprendre Paris que le roi fut assassiné par le moine ligueur Jacques Clément. Fils préféré de Catherine de Médicis, personnalité complexe, courageux, intelligent, très cultivé, Henri III s’appuyait sur ses mignons, notamment l’amiral Anne de Joyeuse et le duc d’Épernon, qu’il combla d’honneurs, et auxquels il accordait un crédit excessif.
Sur le portrait exécuté par Clouet, le futur roi apparaît luxueusement vêtu d’habits brodés et coiffé d’une toque gansée de bijoux, paré d’un collier de diamants taillés en pointe et de perles, une perle à l’oreille, reflétant la mode masculine, très féminisée, de l’époque. Son visage reflète une expression lointaine, rêveuse, mélancolique. Lorsque Catherine de Médicis songea à lui faire épouser la reine Élisabeth d’Angleterre, le 3 juillet 1571 elle envoya un portrait dessiné d’après celui-ci, en y joignant une lettre destinée à La Mothe Fénélon, ambassadeur de France à Londres : « [Me Janet] n’eust le loisir que de Faire, comme vous verrez, le visage qui est fort bien, et parfaitement faict après le vray naturel. » Un portrait en pied, dessiné par Clouet, qui ne s’est pas « amusé à faire si parfaitement le visage », fut aussi expédié. La Mothe Fénélon craignait que la reine soit déçue par le crayon et, le 20 juillet 1573, il rapporte les propos d’Élisabeth d’Angleterre : « Encore que ne soit que le créon et que son teint n’y soit que quasi chafouré de charbon, si ne layssoit ce visage de monstrer beaucoup de beaulté, et beaucoup de marques de dignité et de prudence, et qu’elle avoit esté bien ayse de le voyr ainsi meur comme d’un homme parfaict, car me vouloit dire tout librement que mal volontiers, estant de l’aage qu’elle sest, eust elle voulu estre conduite à l’église pour estre mariée avec ung qui se fust monstré aussi jeune comme le comte d’Oxford. » La reine d’Angleterre avait été prévenue par le duc de Nevers qu’Henri III avait « le malheur que toutes les peintures lui font tort, et que Janet lui-même ne lui a pas donné cet admirable je ne sais quoi qu’il a reçu de la nature ». Le mariage ne se fera pas, le roi ayant « tant de reverence à la religion ». Un autre projet de mariage avec le frère d’Henri III, François, duc d’Alençon, n’aboutit pas non plus. Élisabeth d’Angleterre eut plusieurs favoris, mais elle ne se maria pas et n’eut pas d’enfant, ce qui lui valut son surnom de « Reine vierge ».
Bibliothèque nationale de France
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François de France, duc d’Alençon, frère d’Henri III
François de France, duc d’Alençon, mort en 1584, était frère d’Henri III.
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Ceci explique la rigidité due à l’application, et le fini de certains portraits, travail d’atelier, copie de l’œuvre de première main faite d’après nature. Quelques dessins étaient aussi terminés par des élèves, notamment en ce qui concernait les vêtements. Une différence de qualité et de traitement entre le visage troublant de sensibilité et de fraîcheur, et le vêtement minutieusement rendu est alors évidente.
Ils pouvaient être aussi repris quelques années plus tard, et « rhabillés » au goût du jour ou des événements. La coiffure, la barbe, la moustache étaient modifiées également. Le portrait évoluait, comme le personnage.
Une fonction sociale
Ce portrait, qui jouait de multiples rôles, ne se limitait pas à une représentation physique et psychologique du personnage. Il se doublait d’une autre signification, celle de la valeur et du statut social du personnage. Cette considération avait autant d’importance que la ressemblance, et entraînait une idéalisation du visage. Celui-ci était indissociable d’un nom et d’un maintien. Aussi l’artiste était-il tenu à une certaine réserve. Son talent se mesurait au respect de cette contrainte et à l’apparence de réalité du portrait. D’autant plus que le personnage représenté maîtrisait aussi ses expressions. La tension qui en résulte et que le spectateur ressent est toujours présente. La vie fugitive qui émane de l’éclat d’une prunelle, du frémissement des lèvres, de la vibration des cils, de l’expression, semble suspendue… Le regard que l’on croise sur le dessin n’invite pas à communiquer malgré son intensité.

Charles IX enfant
Deuxième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, Charles IX succéda à son frère François II et régna dès l’âge de dix ans. On le dit alors « magnanime, affable, d’une intelligence éveillée ». Mais il était fort jaloux de son frère d’Anjou, avec lequel il ne pouvait rivaliser en galanterie et délicatesse. Alors que celui-ci avait arboré des boucles d’oreilles aux très longues pendeloques, le roi avait imposé le port de boucles d’or à cinquante gentilshommes qui l’accompagnaient. Sa mère incarna la permanence du pouvoir. Elle ne prit pas le titre de régente et fut qualifiée de « gouvernante de France ». Elle garda toujours une grande influence sur son fils. C’est sous le règne de Charles IX qu’eut lieu le massacre de la Saint-Barthélemy, en août 1572. C’est aussi sous son règne que le début de l’année, qui jusqu’alors était à Pâques, fut reporté au 1er janvier.
Clouet exécuta un portrait du jeune roi, à l’âge de onze ans, empreint d’une certaine vulnérabilité, étude préparatoire à une peinture conservée à Vienne, qui révèle quant à elle une certaine sensibilité.
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Henri IV
Élevé dans le protestantisme par sa mère Jeanne d’Albret, reine de Navarre, Henri IV épousa Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX, huit jours avant le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), où ui-même y échappa en abjurant. La mort du duc d’Alençon et d’Anjou, frère du roi Henri III, et l’assassinat de ce dernier le firent monter sur le trône de France, mais il ne fut pas reconnu comme roi par les catholiques, ayant renoncé au catholicisme en 1576. Il rétablit cependant l’autorité du royaume grâce à ses succès militaires et à sa seconde abjuration. Ses grandes qualités qui entraînèrent le redressement économiques et financier de la France, son adresse, son humour, sa bonhomie, sa générosité, le rendirent très populaire. Surnommé le Vert Galant, le roi Henri IV connut une vie sentimentale mouvementée. Il eut plusieurs maîtresses, la plus célèbre étant Gabrielle d’Estrées. Son premier mariage fut annulé et, en 1600, il épousa Marie de Médicis, dont il eut quatre enfants, parmi lesquels le futur roi Louis XIII. Il fut assassiné en 1610.
François Clouet a représenté ici le futur roi à son arrivée à la cour de France, à l’époque de son mariage avec Marguerite de Valois, la sœur du roi. Il a presque vingt ans. Le 12 avril 1572, sa mère lui écrit eet lui conseille de soigner son apparence et d’accoutumer ses cheveux « à se relever, mais non pas à l’ancienne mode ». Cette remarquable esquisse, où transparaît l’inquiétude du jeune roi de Navarre, est émouvante de sensibilité et de vérité. La spontanéité du dessin relève de l’instantané. La souplesse du modelé et la texture des cheveux vaporeux ne se retrouvent pas dans le crayon achevé, beaucoup moins expressif. Henri IV ne se limita pas aux portraits dessinés pour la diffusion de son image dans les cours étrangères car il fut en effet le premier roi à utiliser la gravure à cette fin.
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Identification des artistes et de leurs modèles
Les centaines de portraits aux crayons conservés sont de plusieurs mains et de qualité variée. Ils sont dispersés dans de nombreuses collections et musées, en France et à l’étranger. Nombreux sont ceux dont artiste et portraituré ne sont pas identifiés, ou ont donné lieu à diverses attributions. Ils ne sont pas signés. Les historiens ont tenté et tentent toujours de distinguer les différents auteurs des dessins, de regrouper les œuvres selon le style, la manière de dessiner et de colorier, les moyens techniques, le papier, sous un nom ou une appellation. Certains dessins portent des annotations à la plume et à l’encre, avec souvent le nom du personnage représenté, son âge, ses dates de naissance et de mort, ses fonctions, mais celles-ci sont, pour la plupart, postérieures à la réalisation du dessin, le plus souvent écrites par le possesseur de la feuille, à une époque déjà lointaine où l’on s’interrogeait sur l’identité du personnage.
Il en est de même des 550 portraits environ conservés au Cabinet des estampes sous l’appellation « les Clouet ». La difficulté est d’autant plus grande que ces dessins, conservés autrefois en album, ont été dispersés et mêlés, et sont maintenant classés par ordre alphabétique quelque soit leur auteur et leur provenance supposés.

Marguerite de Valois, seconde reine de Navarre
Ce portrait représente Marguerite de Valois vers l’âge de dix-neuf ans, à l’époque où elle épousa le futur Henri IV (août 1572). Quelques mois avant, le 8 mars 1572, Jeanne d’Albret, la reine de Navarre, avait écrit à son fils Henri au sujet de sa future épouse, la décrivant comme « belle et bien avisée et de bonne grâce, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie », ajoutant qu’elle allait lui envoyer « sa peinture ». Le visage semble ici sculpté par l’estompe et aucune hachure n’apparaît. L’imperceptible sourire dépend autant des lèvres que du modelé, très subtil, de la partie inférieure. La princesse a les cheveux frisés, séparés par une raie médiane et relevés en un chignon retenu par des bijoux. Seul le haut du corsage, une guimpe bouillonnée à collerette montante serrée au cou par un collier de perles fines, est dessiné avec précision. Son regard est tourné vers le spectateur et son expression, assurée et spirituelle, se fait complice du monde extérieur qui l’entoure. Ce portrait a servi d’étude préparatoire à une peinture.
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Provenance
Cet article a été conçu dans le cadre de l’exposition « Dessins de la Renaissance » présentée à la Bibliothèque nationale de France du 24 février au 4 avril 2004.
Lien permanent
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