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BnF Essentiels
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François-René de Chateaubriand

Un homme entre deux siècles

« Gentilhomme et écrivain, j’ai été Bourboniste par honneur, Royaliste par raison, et Républicain par goût. » Ainsi se définit Chateaubriand, né en 1768 dans une noble famille bretonne. Son entrée dans la vie d’adulte a été marquée par la Révolution française. Dès lors, la vie de Chateaubriand suit les soubresauts de l’histoire de France, ou du moins, est-ce l’image qu’il a souhaité laisser dans ses Mémoires d’outre-tombe. Avant d’être l’écrivain d’une « épopée », Chateaubriand est l’« Enchanteur », celui dont les romans bouleversent la France romantique du début du 19e siècle. 

Portrait de Chateaubriand
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François-René de Chateaubriand
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Portrait de François-René de Chateaubriand
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Chateaubriand
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Enfance d’un écrivain romantique

Le climat breton forge le caractère de Chateaubriand, né un soir de grande tempête à Saint-Malo, ce qui annonça, selon lui, sa destinée tourmentée. Il passe son enfance au château de Combourg, lieu propice à la mélancolie et à l’exaltation. Ces années sont marquées par la figure sévère du père, ce « spectre » au bonnet blanc qui l’oblige à dormir en haut d’un donjon inhabité, et par les promenades avec sa sœur Lucile. À Combourg, il compose ses premiers vers, la proximité du large lui inspire des rêves de voyages lointains.

Une soirée d’hiver au château de Combourg
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C’est dans les bois de Combourg que je suis devenu ce que je suis.

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Première partie, Livre III, 1848

L’« Enchanteur »

Effrayé par la tournure des événements révolutionnaires, Chateaubriand quitte la France en 1791 pour l’Amérique. De ce voyage initiatique, de la découverte des populations locales et des grandes étendues sauvages des « déserts » américains naîtront ses romans : Atala et René, qui illustrent les thèses développées dans le Génie du christianisme. Le chatoiement de la langue, la puissance du phrasé et la peinture vive des sentiments frappent ses contemporains, qui le surnomment « l’Enchanteur ». Un écrivain est né et l’influence des voyages sera une constante de son œuvre.

René chez les Natchez
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Le voyage en Orient

En juillet 1806, Chateaubriand s’engage dans un voyage aventureux en Orient aux origines de la civilisation. Il se saisit de ses impressions qu’il mêle à ses lectures et aux impulsions de son imagination en un récit de voyage qui renouvelle le genre. Érudit et traversé d’évocations poétiques, son Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811) inaugure le siècle de l’orientalisme.

Chateaubriand visitant les ruines de Sparte
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Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem
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Le Sphinx et la grande pyramide de Gizeh
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Je n’ai point fait mon voyage pour l’écrire […] J’allais chercher des images ; voilà tout. Je n’ai pu voir Sparte, Athènes, Jérusalem, sans faire quelques réflexions. Ces réflexions ne pouvaient entrer dans le sujet d’une épopée, elles sont restées sur mon journal de route : je les publie aujourd’hui dans ce que j’appelle Itinéraire de Paris à Jérusalem, faute d’avoir trouvé un titre plus convenable à mon sujet. Je prie donc le lecteur de regarder cet Itinéraire moins comme un voyage que comme des Mémoires d’une année de ma vie.

François-René de Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, préface, 1811

Le dernier des Abencerages

Chateaubriand rentre d’Orient par l’Espagne, où il retrouve sa maîtresse, Natalie de Noailles, à Grenade. De la découverte émerveillée de l’Alhambra, il rapporte un court récit, inspiré d’une légende : les amours impossibles de la chrétienne Bianca et du Maure Aben-Hamet. Lu en privé par Chateaubriand lui-même chez Mme Récamier, Les Aventures du dernier des Abencerages sera publié dans ses Œuvres complètes en 1826.

L’Alhambra, salle des Abencérages
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La Vallée-aux-Loups, un exil intérieur

De retour à Paris, Chateaubriand s’attaque frontalement à Napoléon Ier et dénonce la censure dans un article publié en 1807 dans le Mercure de France. Grâce à des relations, l’affaire est étouffée, mais Chateaubriand doit se faire oublier. Il achète une maison-refuge près de Chatenay-Malabry : la Vallée-aux-loups où il écrit sans relâche dans la tour Velléda. Il y recevra amis et maîtresses, dont l’exquise Juliette Récamier.

Mme Récamier à mi-corps
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Ce lieu me plaît ; il a remplacé pour moi les champs paternels […] Je suis attaché à mes arbres ; je leur ai adressé des élégies, des sonnets, des odes. Il n’y a pas un seul d’entre eux que je n’aie soigné de mes propres mains, que je n’aie délivré du ver attaché à sa racine, de la chenille collée à sa feuille ; je les connais tous par leurs noms, comme mes enfants : c’est ma famille, je n’en ai pas d’autre, j’espère mourir auprès d’elle.

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Première partie, Livre I, 1848

Une carrière politique

Pendant la Restauration (1814-1830), Chateaubriand délaisse sa carrière littéraire pour se consacrer à la politique. Il occupe des postes prestigieux — ambassadeur à Londres, représentant de la France au Congrès de Vérone, ministre des Affaires des étrangères — mais il se range souvent dans l’opposition, quand il n’est pas destitué. Personnage complexe, souvent traité de girouette politique, Chateaubriand est libéral quand il défend la monarchie constitutionnelle et la liberté de la presse, ultraroyaliste quand il condamne révolutionnaires et bonapartistes.

L’auteur affamé
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La rédaction des Mémoires d’outre-tombe

Chateaubriand a rédigé ses Mémoires pendant 45 ans, non sans interruptions, remaniements et réécritures. Lors de son retrait des affaires publiques, après la révolution de 1830, il décide de refondre son autobiographie (Mémoires de ma vie) en une « épopée de son temps » dans laquelle il se met en scène. Il achève la rédaction des Mémoires d’outre-tombe dix ans plus tard : au total, ce sont 3 500 pages manuscrites et 12 volumes dans leur édition originale de 1849-1850.

Feuillet sauvé du feu
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J’ai commencé à écrire ces Mémoires à la Vallée-aux-Loups le 4 octobre 1811 ; j’achève de les relire en les corrigeant à Paris ce 25 septembre 1841 : voilà donc trente ans, onze mois, vingt-un jours, que je tiens secrètement la plume en composant mes livres publics, au milieu de toutes les révolutions et de toutes les vicissitudes de mon existence. Ma main est lassée : puisse-t-elle ne pas avoir pesé sur mes idées, qui n’ont point fléchi et que je sens vives comme au départ de la course !

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Quatrième partie, Livre X, 1848

Le chantre de l’Histoire

Comédien, hâbleur, vaniteux, le Chateaubriand des Mémoires a pu irriter ses contemporains, qui ont malgré tout salué sa prose poétique. Tout à la fois romancier, essayiste, pamphlétaire, poète, Chateaubriand mêle mots désuets et néologismes pour exprimer l’incertitude d’un homme pris entre deux siècles.

Chateaubriand aux ruines de Carthage
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Funérailles de Chateaubriand
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Je me suis rencontré entre les deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j’ai plongé dans leurs eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où j’étais né, et nageant avec espérance vers la rive inconnue où vont aborder les générations nouvelles.

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Préface testamentaire, 1848