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Extrait

Les noces de campagne

Geoge Sand, La Mare au diable, Appendice, 1846
À la fin de son roman, Geoge Sand ajoute un « Appendice » dans lequel elle raconte, au travers des noces de Germain et Marie, les coutumes et traditions du Berry.

Ici finit l’histoire du mariage de Germain, telle qu’il me l’a racontée lui-même, le fin laboureur qu’il est ! Je te demande pardon, lecteur ami, de n’avoir pas su te la traduire mieux ; car c’est une véritable traduction qu’il faut au langage antique et naïf des paysans de la contrée que je chante (comme on disait jadis). Ces gens-là parlent trop français pour nous, et, depuis Rabelais et Montaigne, les progrès de la langue nous ont fait perdre bien des vieilles richesses. Il en est ainsi de tous les progrès, il faut en prendre son parti. Mais c’est encore un plaisir d’entendre ces idiotismes pittoresques régner sur le vieux terroir du centre de la France ; d’autant plus que c’est la véritable expression du caractère moqueusement tranquille et plaisamment disert des gens qui s’en servent. La Touraine a conservé un certain nombre précieux de locutions patriarcales. Mais la Touraine s’est grandement civilisée avec et depuis la Renaissance. Elle s’est couverte de châteaux, de routes, d’étrangers et de mouvement. Le Berry est resté stationnaire, et je crois qu’après la Bretagne et quelques provinces de l’extrême midi de la France, c’est le pays le plus conservé qui se puisse trouver à l’heure qu’il est. Certaines coutumes sont si étranges, si curieuses, que j’espère t’amuser encore un instant, cher lecteur, si tu permets que je te raconte en détail une noce de campagne, celle de Germain, par exemple, à laquelle j’eus le plaisir d’assister il y a quelques années.
Car, hélas ! tout s’en va. Depuis seulement que j’existe, il s’est fait plus de mouvement dans les idées et dans les coutumes de mon village, qu’il ne s’en était vu durant des siècles avant la Révolution. Déjà la moitié des cérémonies celtiques, païennes ou moyen âge, que j’ai vues encore en pleine vigueur dans mon enfance, se sont effacées. Encore un ou deux ans peut-être, et les chemins de fer passeront leur niveau sur nos vallées profondes, emportant, avec la rapidité de la foudre, nos antiques traditions et nos merveilleuses légendes.

Geoge Sand, Romans champêtres, tome 1, Paris : L. Hachette et Cie, 1860, p. 83-84.
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