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Extrait

A-Z ou le Salon en miniature, Albert de La Fizelière

A-Z ou le Salon en miniature, Albert de La Fizelière, 1861

BRESDIN (Rodolphe), nos 413-418. Dessins à la plume. Vous avez tous lu ce livre charmant sur lequel Champfleury a fondé une réputation d’observateur ingénieux et de conteur fécond qu’il soutient, et rajeunit dans chacun de ses ouvrages comme si elle était encore à faire. Vous avez lu Chiencaillou [sic]. Le Chiencaillou de la légende n’est ni plus ni moins que le Bresdin de l’Exposition, cet artiste d’un autre âge, égaré dans l’art moderne, naïf et savant, prompt à saisir le caractère des hommes et des choses, et dont la plume capricieuse retrouve parfois les abondances d’invention et les finesses de trait des vieux Flamands.

Pourquoi ce sobriquet saugrenu de Chiencaillou s’est-il accolé comme un stigmate, ou plutôt comme une gloire, à ce nom, qui aspire à d’illustres destinées dans l’art de la fantaisie ?

Je vais vous le dire :
Il y a vingt ans de cela, Rodolphe Bresdin vivait en sauvage dans quelque grenier témoin et seul confident de ses luttes inouïes contre la misère et contre l’obsession de ses rêves irréalisables. Ses compagnons d’étude, au Louvre, donnèrent à cet enfant mystérieux et sublime qui traversait le monde et s’y frayait des chemins nouveaux et inconnus, le surnom de Chingackook, héros d’un roman de Cooper alors en grande vogue. Une portière, chargée d’annoncer sa visite chez un de ses camarades, traduisit ce nom de Peau-Rouge par celui de Chiencaillou, qui lui resta. La plupart de ses amis ne lui en connaissaient pas d’autre avant que le livret du Salon eût révélé le secret de son état civil.

Les dessins de Rodolphe Bresdin sont bien, par leur étrangeté, à la hauteur de l’excentrique individualité qui les a produits.

A-Z ou le Salon en miniature, Albert de La Fizelière, 1861, p. 14-15
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