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Extrait

La Nature au coeur de la création

Ponce-Denis Ecouchard Lebrun, La Nature, 18e siècle

Ô Nature ! ô ma mère ! ô déesse éternelle !
Toi que l'erreur des lois veut rendre criminelle,
Je t'implore, descends, respire dans mes vers !
Ô source du génie, âme de l'univers,
C'est toi, fille des dieux, toi dont les mains fécondes
Forment la chaîne immense et des temps et des mondes.
Ta volonté suprême est ta suprême loi. 

Ton règne illimité n'a de bornes que toi.
Loin au-delà des cieux où tes flammes circulent,
De ton immensité les bornes se reculent.
C'est ta main qui semait sous tes pas radieux
Leur poussière étoilée aux vastes champs des cieux.
Eclaire des mortels l'orgueilleuse ignorance,
Ô centre ! qui jamais n'eus de circonférence,
Comment fis-tu rouler dans le cercle des ans
Et les rapides jours et les siècles pesants 

Tu dis, et du chaos les gouffres disparurent;
La matière, l'espace et le temps accoururent.
Autour de toi flottants, les mondes et les cieux
N'attendaient pour marcher qu'un signe de tes yeux
Tu sortis de toi-même, et ta main sûre et libre
Au sein des mouvements balança l'équilibre,

Vers un centre commun fit peser tous les corps,
Des éléments rivaux assembla les accords,
Alluma les soleils, suspendit les planètes
Et crayonna leur route aux rapides comètes ;
Fit éclore en jouant les astres et les fleurs,
De l'arc brillant des cieux nuança les couleurs ;
Sut diviser l'atome en points inaltérables,
Enferma dans un gland des forêts innombrables,
Brisa l'angle, et du cercle arrondit les contours.

Jean Pierre Luminet, Les Poètes et l'Univers, Le Cherche-Midi, 1996.
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