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Extrait

Des convictions abolitionnistes qui ne faiblissent pas

Victor Hugo, Sur la tombe de Jean Bousquet, 20 avril 1853
 
Cette règle absolue du refus de la peine de mort, Victor Hugo tient à la respecter lui-même. Adversaire politique acharné de Napoléon III, qui fait exécuter ses ennemis vaincus, qui l'a contraint lui-même à un long exil, il écrit contre lui des pages d'une rare violence. Pourtant, il se refuse à souhaiter sa mort.  

Eh bien, citoyens […], je le déclare solennellement, au nom des proscrits de Jersey qui m'en ont donné le mandat […], nous les exilés, nous les victimes, nous abjurons, au jour inévitable et prochain du grand dénouement révolutionnaire, nous abjurons toute volonté, tout sentiment, toute idée de représailles sanglantes !

Les coupables seront châtiés, certes, tous les coupables, et châtiés sévèrement, il le faut ; mais pas une tête ne tombera ; pas une goutte de sang, pas une éclaboussure d'échafaud ne tachera la robe immaculée de la république de Février. La tête même du brigand de décembre sera respectée avec horreur par le progrès. La révolution fera de cet homme un plus grand exemple en remplaçant sa pourpre d'empereur par la casaque de forçat. Non, nous ne répliquerons pas à l'échafaud par l'échafaud. Nous répudions la vieille et inepte loi du talion. Comme la monarchie, le talion fait partie du passé ; nous répudions le passé. La peine de mort, glorieusement abolie par la République en 1848, odieusement rétablie par Louis Bonaparte, reste abolie pour nous, abolie à jamais.

Victor Hugo, « Sur la tombe de Jean Bousquet », Œuvres complètes de Victor Hugo. Actes et paroles. 2. Pendant l’exil 1852-1870, Paris : Albin Michel, 1938, p. 49.
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