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Extrait

L'art religieux au 13e siècle

Émile Mâle, L'Art du 13e siècle en France. Étude sur l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d'inspiration, 1898

Victor Hugo a dit vrai : la cathédrale est un livre. C'est à Chartres que ce caractère encyclopédique de l'art du Moyen Âge est le mieux marqué ; chacun des "Miroirs" y a trouvé sa place. La cathédrale de Chartres est la pensée même du Moyen Âge devenue visible ; il n'y manque rien d'essentiel. Ses dix mille personnages peints ou sculptés font un ensemble unique en Europe. Plusieurs autres de nos grandes cathédrales étaient peut-être aussi complètes que celle de Chartres, mais le temps les a moins respectées. Nulle part, cependant, n'apparaît un effort aussi suivi pour embrasser tout l'univers. Tel chapitre seulement est développé à Amiens, tel autre à Bourges. Cette diversité n'est pas sans charme. Chacune de nos cathédrales - soit que les hommes l'aient réellement voulu ainsi, soit que le temps, en anéantissant les œuvres voisines, ait rompu l'équilibre - semble destinée à mettre plus particulièrement en relief une vérité, une doctrine.

Amiens est, en ce sens, une cathédrale messianique, prophétique. Les prophètes de la façade, jetés en avant des contreforts comme des sentinelles, observent l'avenir. Tout, dans cette œuvre grave, parle de l'avènement prochain d'un Sauveur.

Notre-Dame de Paris est l'église de la Vierge. Quatre portails sur six lui sont consacrés. Elle occupe le milieu des deux des grandes roses peintes : dans l'une, les saints de l'Ancien Testament, dans l'autre, le rythme des travaux, des mois, les figures des Vertus s'ordonnent par rapport à elle. Elle est le centre des choses. Nulle part, elle ne fut plus aimée. Le 12e siècle (porte sainte Anne), le 13e (porte de la Vierge), le 14e (bas-reliefs du nord) la célébrèrent tour à tour sans se lasser.

La cathédrale de Laon est érudite. Elle semble mettre au premier rang la science. Les Arts libéraux, accompagnés de la Philosophie, sont sculptés à la façade et peints sur une des roses. Elle aime à présenter l'Écriture sous sa forme la plus mystérieuse. Elle cache les vérités du Nouveau Testament sous les symboles de l'Ancien. On sent que des docteurs fameux ont vécu à son ombre. Elle a, elle-même, la figure sévère d'un docteur.
Reims est la cathédrale nationale. Les autres sont catholiques, c'est-à-dire universelles, elle seule est française. Le baptême de Clovis emplit le haut du pignon. Les rois de France sont peints sur les vitraux de la nef. Sa façade est si riche qu'il est inutile de la décorer les jours de sacre. Des tentures de pierre sont sculptées au portail, de sorte qu'elle est toujours prête à recevoir les rois. Bourges célèbre les vertus des saints. Ses vitraux illustrent la Légende dorée. La vie et la mort des apôtres, des confesseurs et des martyrs forment une couronne éblouissante autour de l'autel. Le portail de Lyon raconte les merveilles de la création. Sens laisse entrevoir l'immensité du monde et la variété de l'œuvre de Dieu. Rouen ressemble à un riche livre d'Heures, où Dieu, la Vierge et les saints occupent le milieu des pages, pendant que la fantaisie se joue dans les marges.

Émile Mâle, L'Art du 13e siècle en France. Étude sur l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d'inspiration, Paris, Gallimard, 1898, p. 491-493.
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