La vie quotidienne au Moyen Âge

Bibliothèque nationale de France
Scène d’étuve
La traduction française des Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse connut un grand succès du 14e siècle à la fin du 15e siècle.
L’exemplaire divisé en deux volumes conservé à la Bibliothèque nationale de France (Paris, BnF, Mss, Français 288-289) présente une numérotation ancienne continue, ce qui semble indiquer qu’il ne formait qu’un volume à l’origine. L’illustration est abondante. Chacun des neuf livres est introduit par une miniature à mi-page, tandis que les chapitres s’ouvrent par des petites miniatures de la largeur d’une colonne de texte. On y reconnaît la main de plusieurs artistes. Celui qui a réalisé les grandes miniatures, à l’exception du frontispice du premier volume, est facilement identifiable. Il s’agit du Maître de Marguerite d’York. Les autres enlumineurs qui collaborèrent à l’illustration, pour le frontispice du premier volume et les petites miniatures, présentent un style proche de celui du Maître et ont probablement fait partie de son atelier.
L’illustration du sixième livre relate le suicide de Lucrèce qui s’empale sur une épée dont la garde repose sur le sol. Derrière elle, trois femmes se lamentent. Dans l’histoire relatée par Valère Maxime, quatre hommes assistent à l’acte : Spurius Lucretius Tricipitinus, le père de Lucrèce, Lucius Tarquinius Collatinus, son mari, Publius Valerius Publicola et Lucius Junius Brutus. Dans le manuscrit de Paris seuls deux d’entre eux sont représentés, probablement le père et le mari. L’espace architectural, très structuré, est prolongé, de chaque côté d’une colonnade centrale, par une pièce et un couloir en enfilade. À gauche de cette pièce, se trouve un lit dans lequel est couchée une femme. Un homme se trouve à côté du lit. La scène représente le viol de Lucrèce par Sextus Tarquin, l’un des fils de Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome. Cet acte conduira au suicide de Lucrèce et, au-delà, à la destitution de la royauté à Rome. À droite, dans l’encadrement d’une porte, se tiennent deux personnages : Valère Maxime et celui pour lequel il écrivit son œuvre, l’empereur Tibère. La présence de ces deux figures dans nombre des miniatures à mi-page leur donne une valeur d’exemplum, de moralisation, et sert de fil rouge au cycle illustré.
Les manuscrits conservés à Paris (BnF, Mss, Français 288-289) présentent une iconographie identique à celle de deux exemplaires du même texte réalisés à Bruges, l’un pour Wolfert VI de Borselen (Paris, BnF, Ars., ms. 5196), l’autre pour Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne (Berlin, SBPK, Dépôt Breslau 2). Ces manuscrits forment un groupe iconographique homogène qui suit en grande partie le cycle créé pour l’exemplaire destiné à Philippe le Bon (Paris, BnF, Mss, Français 6185). Seules trois des petites miniatures présentent des sujets qui divergent complètement du cycle initial. Les scènes situées au début des deuxième et troisième chapitres du livre 1 (Paris, BnF, Mss, Français 288) sont inversées par rapport à celles de l’exemplaire du duc de Bourgogne et ne correspondent donc plus au texte qu’elles introduisent. Cette inversion des sujets trahit peut-être l’utilisation d’un livre de modèles. L’erreur pourrait avoir été commise lors de sa création, ou plus tard : des modèles réalisés sur des feuilles volantes ont pu être mélangés par mégarde.
Bibliothèque nationale de France
La nourriture
Après la bouillie, le pain devient peu à peu, grâce au progrès de la mouture et des moulins, le cœur de l’alimentation médiévale ; il est accompagné de vin et de viande. Les légumes sont plutôt réservés aux paysans, dans la réalité comme dans l’imaginaire. Les aliments n’ont en effet pas tous la même valeur culturelle : on les classe à l’intérieur d’une hiérarchie héritée de l’Antiquité qui mène du ciel à la terre.

Les céréales
Cette page enluminée fait partie du livre III, consacré à la céréaliculture. Trois opérations sont réunies sur la même image : le battage, le vannage et l’engrangement. Tandis qu’un compagnon descend des gerbes de blé, entreposées dans un grenier situé au dessus de l’étable, deux paysans battent au fléau en cadence, tandis qu’un homme ploie sous le poids de son sac de blé engrimpant l’escalier de boisqui permet d’accéder au niveau supérieur d’une tour. Pier de Crescenzi énumère pour l’Italie différents procédés pour battre les céréales : à la verge, au fléau et par le dépiquage avec des chevaux. En France septentrionale et en Flandre, les céréales sont presque toujours battues au fléau, soit sur une aire en plein air, soit sous une grange.
© Bibliothèque nationale de France
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Dans un univers que les philosophes conçoivent comme ordonné verticalement, les aliments sont hiérarchisés selon leur plus ou moins grande proximité avec le ciel. Tout en haut de cette échelle de valeur figurent les oiseaux qui se meuvent dans l’air, le plus élevé des quatre éléments. Tout en bas, on trouve les plantes qui viennent de la terre. Encore faut-il bien distinguer entre les feuilles poussant sur une tige, tels choux ou pois, et celles qui partent de la racine (épinards, salades). Les racines elles-mêmes, comme carottes et raves, viennent seulement ensuite car elles poussent sous la terre, ainsi que les bulbes – oignon, poireau et ail – qui sont de loin les aliments les plus méprisés. Cette hiérarchie se vérifie dans les comptes alimentaires et est justifiée par les médecins. Les élites consomment ainsi beaucoup de volatiles et aussi des fruits, qui poussent sur des arbres en hauteur et conviennent donc parfaitement aux classes élevées de la société. En revanche, elles s’abstiennent à peu près complètement de légumes, laissés aux paysans. Pour les cas délicats, tels la fraise ou le melon, les médecins recommandent la plus grande prudence.

Le melon
Bien que vivement déconseillé par les médecins médiévaux, le melon est cultivé dans le Comtat Venaissin vers 1400. Cependant, il n’est encore connu que dans les régions méditerranéennes, d’où sa culture se répandra dans le reste de la France à la Renaissance.
© Bibliothèque nationale de France
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La cuisine est l’affaire des femmes dans les milieux populaires. Mais, dans les vastes cuisines spécialisées des seigneurs et des princes, un univers très hiérarchisé d’hommes veille à l’approvisionnement et à la préparation des repas pour une maisonnée nombreuse.
Dans un monde qui, aux 14e et 15e siècles, est souvent tenaillé par la faim, les châteaux et les somptueux palais urbains de l’aristocratie apparaissent comme autant d’îlots de goinfrerie. Manger plus et manger mieux sont en effet des privilèges de ce groupe social qui trouve dans les événements les plus variés de nombreuses occasions de festins.

Un banquet de mariage
Entrez dans la grande salle du château pour le banquet de mariage ! Et observez l’ordonnancement du banquet : le décor et le mobilier de la salle d’apparat, les divers objets d’orfèvrerie et les mets présentés pour l’occasion, l’attitude des époux et la place des convives ; et enfin le ballet des serviteurs.
La table principale, celle des mariés, est faite d’une simple planche sur tréteaux. Elle est adossée à la cheminée, ce qui constitue la place d’honneur. Les invités sont généralement assis à des tables disposées en U autour des mariés. Ici l’enlumineur n’a représenté qu’un seul rang d’invités afin de disposer de plus de place pour le ballet des serviteurs.
© BnF
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Les miniaturistes nous convient aux tables médiévales. Comme ils travaillent pour les princes, pour les puissants ou les catégories sociales les plus aisées, c’est sur des tables riches, véritables mises en scène de la nourriture, que s’attarde leur regard et bien rares sont les paysans attablés dans les enluminures, à l’exception de ceux que l’on trouve dans les bibles et les calendriers.
Les loisirs
Si les somptueux entremets restent des spectacles réservés à la table des riches, de même que la chasse à courre est un privilège de la noblesse, tous partagent les spectacles des rues ou participent aux mystères et passions qui se développent dans les villes à la fin du Moyen Âge.

La chasse au cerf
Le Livre de chasse fut rédigé de 1387 à 1389 par Gaston Phébus, comte de Foix. Il fait partie de ces rares ouvrages d’enseignement dont la riche illustration est comparable à celle des Bibles.
La page enluminée illustre ici une scène de chasse au cerf. Intitulée « Ci devise comment on doit aller laisser courre pour le cerf », elle fait partie d’un chapitre, intitulé « De l’instruction du veneur », dont le texte décrit dans le détail comment le valet doit manœuvrer son limier pour que celui-ci détecte le cerf puis le débusque de son lit, et comment il doit ensuite sonner du cor pour que la meute des chiens se lance à sa poursuite.
Une grande partie des livres et traités de chasse sont consacrés au cerf. Cet animal est le plus recherché de ceux qu’on appelait, au Moyen Âge, les « bêtes rouges » : cerfs, biches, daims et chevreuils, qui sont des animaux doux, dépourvus d’agressivité et herbivores. Le cerf est considéré comme le gibier le plus noble alors qu’il avait été déprécié, jugé peureux et peu intéressant par les veneurs de l’Antiquité. C’est aussi un animal de sacrifice, sacrifié selon des codes et des usages bien précis.
La chasse à courre, réservée à une élite, se fait à cheval et à l’aide d’une meute de chiens. Elle exige de la part du chasseur lancé à la poursuite du gibier non seulement de l’endurance et du courage, mais également de la réflexion pour pouvoir déjouer les ruses de l’animal. Elle demande beaucoup de moyens financiers.
Bibliothèque nationale de France
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Les fêtes religieuses, nombreuses, scandent les saisons, et les veillées animent les soirées quotidiennes. La jeunesse rivalise dans des jeux d’arcs, de course, de sauts ou jeux divers qui fonctionnent sans doute comme autant de rites de passage. Les jeux de hasard sont toutefois interdits par l’Église. Parmi les jeux, le jeu d’échec connaît une fortune particulière. Venu d’Inde par la Perse et les pays arabes, il conquiert la noblesse. Manants et bourgeois se passionnent à leur tour mais, tandis que les jeux précieux sont ouvragés en ivoire ou en or, les vilains taillent les leurs dans le bois.

Cassiel et Phésona jouant aux échec
C’est à la fin du 10e siècle que ce jeu de guerre, d’origine indienne, est transmis à l’Occident par les Arabes. En moins d’un siècle, les échecs se répandent dans toute la société médiévale. Ils connaissent un grand succès tant auprès de l’aristocratie européenne dont c’est rapidement la distraction favorite, que dans les classes populaires où l’on jouait avec des dés et pour de l’argent. Bien des éléments du jeu arabo-persan déroutent cependant les Occidentaux. Près de deux cents ans seront nécessaires pour transformer ce jeu de guerre en un jeu de cour en adéquation avec les valeurs de la société féodale. Ce sont surtout les pièces qui ont évolué, prenant une forte connotation symbolique : l’échiquier représente la ville nouvelle du Moyen Âge où prennent place les différentes catégories sociales de la société médiévale. Les règles changent à la Renaissance, se dotant d’une marche plus rapide, telle que nous la connaissons aujourd’hui.
© Bibliothèque nationale de France
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L’hygiène
Le Moyen Âge ne néglige pas l’hygiène. On sait que les princes carolingiens changeaient de vêtements et se baignaient tous les samedis. Le bain est un moment de plaisir, souvent accompagné d’une collation.

Scène d’étuve
La traduction française des Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse connut un grand succès du 14e siècle à la fin du 15e siècle.
L’exemplaire divisé en deux volumes conservé à la Bibliothèque nationale de France (Paris, BnF, Mss, Français 288-289) présente une numérotation ancienne continue, ce qui semble indiquer qu’il ne formait qu’un volume à l’origine. L’illustration est abondante. Chacun des neuf livres est introduit par une miniature à mi-page, tandis que les chapitres s’ouvrent par des petites miniatures de la largeur d’une colonne de texte. On y reconnaît la main de plusieurs artistes. Celui qui a réalisé les grandes miniatures, à l’exception du frontispice du premier volume, est facilement identifiable. Il s’agit du Maître de Marguerite d’York. Les autres enlumineurs qui collaborèrent à l’illustration, pour le frontispice du premier volume et les petites miniatures, présentent un style proche de celui du Maître et ont probablement fait partie de son atelier.
L’illustration du sixième livre relate le suicide de Lucrèce qui s’empale sur une épée dont la garde repose sur le sol. Derrière elle, trois femmes se lamentent. Dans l’histoire relatée par Valère Maxime, quatre hommes assistent à l’acte : Spurius Lucretius Tricipitinus, le père de Lucrèce, Lucius Tarquinius Collatinus, son mari, Publius Valerius Publicola et Lucius Junius Brutus. Dans le manuscrit de Paris seuls deux d’entre eux sont représentés, probablement le père et le mari. L’espace architectural, très structuré, est prolongé, de chaque côté d’une colonnade centrale, par une pièce et un couloir en enfilade. À gauche de cette pièce, se trouve un lit dans lequel est couchée une femme. Un homme se trouve à côté du lit. La scène représente le viol de Lucrèce par Sextus Tarquin, l’un des fils de Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome. Cet acte conduira au suicide de Lucrèce et, au-delà, à la destitution de la royauté à Rome. À droite, dans l’encadrement d’une porte, se tiennent deux personnages : Valère Maxime et celui pour lequel il écrivit son œuvre, l’empereur Tibère. La présence de ces deux figures dans nombre des miniatures à mi-page leur donne une valeur d’exemplum, de moralisation, et sert de fil rouge au cycle illustré.
Les manuscrits conservés à Paris (BnF, Mss, Français 288-289) présentent une iconographie identique à celle de deux exemplaires du même texte réalisés à Bruges, l’un pour Wolfert VI de Borselen (Paris, BnF, Ars., ms. 5196), l’autre pour Antoine, Grand Bâtard de Bourgogne (Berlin, SBPK, Dépôt Breslau 2). Ces manuscrits forment un groupe iconographique homogène qui suit en grande partie le cycle créé pour l’exemplaire destiné à Philippe le Bon (Paris, BnF, Mss, Français 6185). Seules trois des petites miniatures présentent des sujets qui divergent complètement du cycle initial. Les scènes situées au début des deuxième et troisième chapitres du livre 1 (Paris, BnF, Mss, Français 288) sont inversées par rapport à celles de l’exemplaire du duc de Bourgogne et ne correspondent donc plus au texte qu’elles introduisent. Cette inversion des sujets trahit peut-être l’utilisation d’un livre de modèles. L’erreur pourrait avoir été commise lors de sa création, ou plus tard : des modèles réalisés sur des feuilles volantes ont pu être mélangés par mégarde.
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Les bains publics, tenus par les étuviers, se répandent dans les villes au 12e siècle. Théoriquement établissements de bains, les étuves offrent en réalité toutes sortes de plaisirs ; les joies de la chair s’y mêlent à celles de la baignade et de la bonne chère. On se bat toutefois contre la vermine. Le Ménagier de Paris fournit au moins six recettes pour se débarrasser des puces qui pullulent dès que la chaleur revient. Et les parfums cachent souvent les mauvaises odeurs.
Provenance
Cet article provient du site l’enfance au Moyen Âge.
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