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Paysan au Moyen Âge : quel est mon quotidien ?

La maison paysanne
La maison paysanne

© Bibliothèque nationale de France

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Dans l’Occident médiéval, l’agriculture est la base de l’économie ; la production des végétaux et des animaux utiles à l’homme occupe la majorité de la population. Si cette prééminence ne se retrouve pas entièrement dans l’iconographie, le monde rural est cependant volontiers représenté, offrant un aperçu des conditions de vie paysannes : villages, maisons, travaux des champs...

Le cadre de la vie paysanne

À partir des images laissées par le Moyen Âge, il est souvent difficile de connaître le cadre précis dans lequel évoluent les paysans.

Le village

Le village, en tant que lieu de vie, reste rarement traité pour lui-même, dans les enluminures religieuses mais aussi profanes où les ensembles de maisons, à l’arrière-plan, s’insèrent dans le paysage pour suggérer simplement un habitat. La figuration de plusieurs groupes d’habitations, serrés autour des églises et dispersés dans une forêt dense, comme dans la miniature d’un Livre des propriétés des choses de Barthélemy l’Anglais datant du 15e siècle, est exceptionnelle. Tout autres sont les indications livrées par les rares relevés de villages tel l’Armorial de Revel. Ils évoquent bien l’aspect général du village fortifié au 15e siècle ; l’enceinte, presque toujours un mur crénelé, le château et l’église en sont les éléments générateurs et fédérateurs. Les maisons, assez souvent étagées le long d’une pente, bordent, pour la plupart, la rue principale ; des jardinets enclos les prolongent à l’arrière et scandent le paysage.

Le terroir et son château
Le terroir et son château |

© Bibliothèque nationale de France

La maison rurale

Outre l’habitat groupé, les enluminures et particulièrement les calendriers du bas Moyen Âge montrent la maison rurale lors des travaux qui se déroulent dans la cour. L’habitation est souvent flanquée de bâtiments annexes : une grange peut être consacrée aux tâches de vinification, une autre être affectée aux céréales et au battage durant l’hiver. Cette dernière est, ici, surmontée d’un grenier qui, là, coiffera l’habitation. D’autres dépendances sont réservées à l’élevage. Une bergerie qui se réduit souvent à un simple toit sur des poteaux corniers, plus rarement une étable ou un appentis servant de porcherie entourent l’habitation.

La grange
La grange |

© Bibliothèque nationale de France

L’élevage ovin
L’élevage ovin |

© Bibliothèque nationale de France

L’iconographie, si elle ne permet pas de connaître le nombre et l’agencement des différentes pièces de la maison, nous fait entrer dans la salle commune.

En effet, c’est là qu’aux mois de janvier et février des calendriers les paysans prennent un repas ou se reposent au coin du feu. Le foyer est à même le sol, adossé à un mur ou au centre de la salle pour éviter les risques d’incendie, à moins qu’une simple hotte conique ne se prolonge sur le toit par un conduit extérieur ; parfois la cheminée est constituée de solides piédroits.

Villageois et paysans

Ces images sont animées par des villageois, plus souvent par des paysans au travail.

Les enfants et les anciens

La plupart du temps, les enfants sont absents. C’est seulement dans quelques miniatures du Tacuinum sanitatis qu’ils jouent ou accompagnent leur mère au jardin pour ramasser des légumes ou cueillir des fruits. Les anciens sont eux aussi oubliés, bien que certains travaux jugés particulièrement importants, comme les semailles, soient réservés aux hommes mûrs dont l’âge est signalé par la barbe.

Les femmes

La place accordée à la femme dans les illustrations est plus large, mais elle n’est pas en rapport avec son rôle dans la société. En effet, avant le 13e siècle, la paysanne n’est figurée qu’exceptionnellement. Est-ce parce que, jusque-là, les calendriers ne comportaient guère que des scènes agraires où l’unique personnage était du sexe masculin, ou plutôt parce que les programmes décoratifs étaient dictés par des religieux, professant quelque méfiance vis-à-vis de la femme ?

Ce n’est qu’au 14e et surtout au 15e siècle qu’on voit la paysanne se consacrer à différentes activités domestiques, bien qu’elle n’apparaisse pratiquement jamais dans son rôle de mère. C’est surtout le filage qui, comme pour Ève, est son occupation privilégiée : la quenouille ne la quitte pas. Elle participe également à d’autres travaux de la ferme, en particulier elle garde les moutons et les tond, tâche qu’elle partage avec les hommes. Elle a aussi en charge la traite des vaches, la fabrication des fromages et du beurre. Lors de l’abattage du porc, elle recueille le sang dans une poêle, avant de cuisiner les abats. Enfin, elle veille sur la basse-cour, distribue la nourriture et ramasse les œufs. Certains travaux des champs, pour la plupart complémentaires, comme la confection des gerbes au moment de la moisson, l’éparpillement des épis avec la fourche lors du battage ou encore le fanage, sont indifféremment effectués par des hommes ou des femmes, de même que la cueillette des raisins aux vendanges.

La corvée d’eau
La corvée d’eau |

© Bibliothèque nationale de France

Les champignons
Les champignons |

© Bibliothèque nationale de France

Au contraire, la récolte des fruits et des légumes est une tâche essentiellement féminine. D’autres besognes, par exemple le sarmentage, sont exclusivement féminines, comme le confirment d’ailleurs les sources écrites. Alors qu’en France et dans les pays méridionaux, la moisson est toujours l’affaire des hommes, elle est dévolue aux femmes dans les calendriers rhénans ou bohémiens. Enfin, c’est aux femmes que revient toujours la charge de l’approvisionnement en eau.

Les travaux des champs

C’est surtout pour les paysans au travail que la documentation iconographique est la plus riche, au moins pour les activités les plus symboliques : l’agriculture, l’élevage et la pêche.

Semailles et moissons

L’abondance des images témoigne de la primauté de la céréaliculture dans l’économie rurale médiévale. Si, à l’instar d’Adam, le paysan continue, durant tout le Moyen Âge, à défoncer la terre à la force de ses bras, de nombreuses figurations des labours mettent en évidence une répartition géographique et certaines transformations de l’outillage aratoire. L’araire, le plus souvent de type dental, est utilisé surtout dans les pays méditerranéens, alors que la charrue, aux équipements très divers, se répand dans l’Europe du Nord, parallèlement à une évolution de l’attelage.

Dans la mesure où une indication chronologique est perceptible, les semailles ont presque toujours lieu à l’automne. En général, les semences sont contenues soit dans un repli du vêtement, soit dans un tablier de semailles, mais dans les contrées méridionales, elles sont plus souvent transportées dans un semoir en bois ou en osier. D’après les miniatures, la herse, presque toujours tirée par un cheval, se propage à partir du 13e siècle, surtout dans les pays riverains de la mer du Nord. Elle précède ou suit le semeur. La moisson, essentielle pour la nourriture quotidienne, est l’une des tâches reproduites avec la plus grande constance. Elle s’effectue en juin ou juillet, avec une faucille dentée ou non, de formes et de tailles très variables. Dans les calendriers, le battage vient immédiatement après. Il se pratique selon différentes techniques : dans les pays au nord de la Méditerranée, le plus souvent le blé est battu en plein air sur l’aire, où deux équipes manient leurs fléaux en cadence face à face. À travers les images, ce ne serait qu’à partir des 13e et 14e siècles que les paysans travailleraient sous une grange en Europe septentrionale. En revanche, en Italie et en Espagne, si le fléau n’est pas ignoré, les épis sont également égrenés sous les sabots des bœufs et des chevaux.

La vigne

La culture de la vigne connaît au Moyen Âge une très large extension. Il est vrai que l’importance liturgique et symbolique du vin, comme du pain, dans le monde chrétien, impliquait une place de choix pour ces cultures dans l’iconographie. De tous les pays européens proviennent des illustrations des différentes tâches qui la caractérisent.

La vigne
La vigne |

© Bibliothèque nationale de France

Calendrier : mars. La taille de la vigne
Calendrier : mars. La taille de la vigne |

© Bibliothèque nationale de France

La taille des ceps, en février ou en mars, déterminante pour la production future, est un des motifs les plus fréquents, en particulier dans les calendriers. Le vigneron taille la vigne à l’aide d’une serpe avec ou sans dos tranchant. Les façons, travail moins caractéristique qui se répète plusieurs fois au cours de l’année, sont peu figurées. Selon la nature des sols, la terre est retournée à la houe, plus souvent à la bêche, mais jamais avec un instrument aratoire.

Les vendanges et le foulage comptent aussi parmi les tâches qui ont la faveur des artistes médiévaux. Le raisin est cueilli soit à la main, soit avec une serpette ou un couteau. Paniers, corbeilles, cuveaux ou hottes sont utilisés pour amener la récolte jusqu’à la cuve à fouler où un homme, seul d’ordinaire, piétine les grappes, parfois aidé d’un pilon. Le pressoir à vis apparaît rarement, sauf dans les enluminures de l’Apocalypse ou dans la représentation du pressoir mystique.

Certaines scènes sont moins courantes : ainsi lors de la préparation des vendanges, des vignerons, surtout en Italie, cerclent des tonneaux au mois d’août, tandis qu’en octobre, d’autres paysans complètent le vin des fûts. La plantation de la vigne, le greffage des ceps, la taille des échalas ou encore la dégustation du vin nouveau ne se retrouvent que dans quelques miniatures des 14e et 15e siècles.

L’élevage

L’élevage tient aussi une place importante dans le répertoire iconographique de l’agriculture ; toutefois, les différentes espèces animales, bien que souvent menées ensemble à la pâture, ne sont pas traitées de manière semblable. Que ce soit dans les programmes religieux ou profanes, les ovins prédominent. Dans les cycles des mois, durant le dernier trimestre de l’année, les porcins occupent le premier plan à travers la glandée et l’abattage. En fait, l’élevage des bovins est plutôt négligé : les bœufs nourris derrière une mangeoire ou en train de paître avec d’autres animaux domestiques, la traite du lait ou la fabrication du beurre sont figurés moins souvent que les bœufs attelés aux instruments aratoires ou encore tirant un charroi.

La charrue
La charrue |

© Bibliothèque nationale de France

De même pour les équidés, les illustrations relatives à leur entretien sont très minoritaires par rapport à celles qui soulignent le caractère prestigieux de cet animal. En liaison avec l’élevage du gros bétail, la culture des prés est développée surtout dans l’Europe septentrionale : c’est en juin que le paysan s’avance dans les andains et lance sa faux dont le manche est muni ou non d’une ou deux potences, ou bien il aiguise la lame, ou encore il édifie des meules.

Fruits et légumes

La culture des fruits et des légumes n’est guère intégrée dans les calendriers. En revanche, les plantes aromatiques, médicinales ou tinctoriales sont minutieusement reproduites dans les herbiers et les ouvrages relatifs à l’alimentation, à l’hygiène ou à la médecine.

Ces travaux, avec les répits saisonniers, imposent au village son rythme, ponctué par les allées et venues aux champs. Et c’est sans doute ce que nous transmet le mieux l’iconographie médiévale, la vision cinétique d’hommes saisis dans leur vie quotidienne, elle-même soumise à l’impérieuse alternance de ce temps rural.

Provenance

Extrait d’un article de Perrine Mane, dans Paysages, paysans. L’art et la terre en Europe du Moyen Âge au 20e siècle (BnF/RMN, Paris, 1994)

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