Buveurs très illustres

Le 29 mai 1629, Melchior Tavernier, “disant avoir obtenu de Sa Majesté, le 26 février dernier, des lettres portant qu’il lui est permis de graver ou faire graver les figures du roi et de la reine de la fève et de tous leurs officiers, avec des distiques en quatrains à chacune desdites figures, pour les vendre et distribuer”, s’associe pour moitié “au fait, pratique et negoce” avec Pierre Firens pour la gravure, l’impression et le débit de ces images. Il s’agit de vignettes, chacune accompagnée d’un quatrain et représentant un “office”. Les vignettes découpées, puis pliées ou roulées, sont mises dans un chapeau et tirées au sort par les membres de la compagnie qui, le jour de la fête des Rois, se rassemblent et se voient ainsi attribuer leur rôle (du Roi au Fou, il y a ici vingt-quatre possibilités) pour cette fête carnavalesque.
La fête des Rois (en principe au 6 janvier) est une tradition plus qu’ancienne, que certains auteurs font remonter à l’Antiquité. On renverra les curieux à la bibliographie rassemblée autrefois par Arnold Van Gennep dans son Manuel de folklore français (1937, t. III, p. 392-393). La coutume des billets tirés au sort ne semble pas être beaucoup plus jeune, si l’on en croit Émile Nicolas (“Billets des rois”, Le Vieux Papier, t. XXX, avril 1983, p. 57-58, et “La galette des rois à Paris et en Ile-de-France”, Le Vieux Papier, t. XXX, octobre 1985, p. 361-376). La nouveauté à laquelle font allusion Tavernier et Firens dans la légende de cette planche semble donc que ces billets soient gravés plutôt que rédigés à la main au moment même de la fête.

Au bas de l’image, vers la gauche : Bosse Jn. et fecit. Dans la marge inférieure : Aux beuueurs tres illustres et hauts-crieurs du Roy boit. / Mes[si]eurs pour descharger le Roy de la febue des envies des assistantz au choix qu’il doibt faire de ses officiers, nous auons eu le soin de vous offrir ceste nouuelle inuention, qui est de couper les 24 presentes figures chaqune auec son quadrain, puis en rouller tout autant qu’en aures / d[e b]esoin en choissisant ceux desditz offices qui agreront le plus a la compagnie et ainsi les mesler dans vn chapeau puis en prendre chascun vn pour par apres exercer loffice qui luy sera echeu et auparauant chaque officier ce presentera a son Roy en luy demandant sy son seruice luy agrera / [Et] sil y à des dames, le Roy ayent choisi vne royne les autres en feront de mesmes chascun selon son rang.- A Paris chez Pierre Firens rue S t Iaques, et Melchior Tauernier en Lisle du Palais Auec Priuilege du Roy.