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Soirée d’artiste

Soirée d’artiste
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Le 3 janvier 1824, Charles Nodier est nommé bibliothécaire de l’Arsenal. C’est une chance pour cet homme de lettres reconnu mais qui peine à vivre de sa plume. Partageant ses fonctions avec Antoine-Jean Saint-Martin, alors conservateur administrateur, Nodier s’implique assez peu dans la gestion de l’Arsenal et de ses collections. Ce poste lui permet toutefois d’assouvir sa passion pour les livres anciens, auxquels il confère, par ses célèbres notices, un statut bibliophilique. La réhabilitation de ces textes passe aussi par la reliure, dont Nodier est un fervent défenseur.

Le matin, il reçoit ses amis bibliophiles : Paul Lacroix, Gabriel Peignot, Pixérécourt, ou encore le libraire Techener, avec qui il fonde en 1834, le célèbre Bulletin du bibliophile. Le dimanche soir, il reçoit avec sa femme et sa fille, Marie, les écrivains et les peintres de la première génération romantique : Hugo, Lamartine, Dumas, Musset, Vigny, Gautier, Balzac, Nerval, Delacroix, Devéria, Tony Johannot… On distingue à gauche, Nodier debout, et, à droite, sa fille Marie au piano.

Alexandre Dumas a laissé un souvenir de ces soirées :

« Non seulement Nodier était amusant à entendre, mais encore il était charmant à voir : son long corps efflanqué, ses longs bras maigres, ses longues mains pâles, son long visage, plein d’une mélancolique sérénité, tout cela s’harmoniait, se fondait avec sa parole un peu traînante, et avec cet accent franc-comtois dont j’ai déjà parlé ; et, soit que Nodier eût entamé le récit d’une histoire d’amour, d’une bataille dans les plaines de la Vendée, d’un drame sur la place de la Révolution, d’une conspiration de Cadoudal ou d’Oudet, il fallait écouter presque sans souffle, tant l’art admirable du conteur savait tirer le suc de chaque chose — ceux qui entraient faisaient silence, saluaient de la main, et allaient s’asseoir dans un fauteuil, ou s’adosser contre le lambris ; et le récit finissait toujours trop tôt […] Mais Nodier se laissait doucement glisser du chambranle de la cheminée sur son grand fauteuil ; il souriait, il se tournait vers Lamartine ou vers Hugo :
- Assez de prose comme cela, disait-il ; des vers, des vers, allons !
Et, sans se faire prier, l’un ou l’autre poète, de sa place, les mains appuyées au dossier d’un fauteuil, ou les épaules assurées contre le lambris, laissait tomber de sa bouche le flot harmonieux et pressé de sa poésie […] Cette fois, on applaudissait ; puis, les applaudissements éteints, Marie allait se mettre à son piano, et une brillante fusée de notes s’élançait dans les airs. C’était le signal de la contredanse ; on rangeait chaises et fauteuils ; les joueurs se retranchaient dans les angles, et ceux qui, au lieu de danser, préféraient causer avec Marie, se glissaient dans l’alcôve. » (Alexandre Dumas, Mes Mémoires)

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1831
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Tony Johannot (1803-1852), peintre
  • Description technique
    Lavis d'encre rehaussé d'aquarelle et de gouache blanche ; 23,5 x 29,5 cm
  • Provenance

    BnF, bibliothèque de l’Arsenal, 4-EST-SUPPL-22

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm132202392g