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Vénus donne vie à la statue

Fol. 152v : Pygmalion incrédule devant la statue qui prend vie et lui parle

Vénus donne vie à la statue
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Se réjouissant de voir Pygmalion délaisser Chasteté, Vénus donne vie à son oeuvre
(v. 21121-21124) :

A l’ymage envoie lors ame :
Si devint si tres bele dame
C’onques en toute la contree
N’avoit on si bele encontree.
(À la statue elle envoie alors une âme et celle-ci devint une si belle dame que jamais dans toute la contrée on en avait d’aussi belle rencontre.)


Rien du miracle il ne savait,
Mais en Dieu grande foi avait,
Et quand de plus près la regarde,
Plus son coeur frémit, saute et arde ;
Il voit les cheveux blondoyants
Comme ondes ensemble ondoyants,
Et voit qu’elle est vive et charnue ;
Il entrebâille sa chair nue
Et sent le pouls battre et mouvoir.
Est-ce mensonge ou fol espoir ?
Il sent les os, il sent les veines,
Qui de sang étaient toutes pleines,
Puis se recule épouvanté,
Car il a peur d’être enchanté
Et n’ose plus s’approcher d’elle.
Pygmalion :
Quelle est donc cette erreur nouvelle ?
Veillé-je ? Non. Un songe, hélas !
Telle évidence n’aurait pas.
Un songe ? Eh bien, non, je veille.
———
D’où peut venir telle merveille ?
Est-ce fantômes ennemis
Qui se sont en l’image mis ?
[ Enluminure ]
L’image parle à Pygmalion :
Lors lui répondit la pucelle
Soudain, l’avenante, la belle,
Aux cheveux ondoyants et blonds :
Ce n’est ennemis ni démons,
Doux ami, mais c’est votre amie ;
Donnez-moi votre compagnie,
Et je vous offre mon amour
Céans, s’il vous plaît, en retour.
Quand certaine la chose entend
Et voit le miracle évident,
Alors il s’avance et s’assure
A nouveau si c’est chose sûre,
Et moult lui donne volontiers
Son corps et son coeur tout entiers.
A ces mots tous deux s’entr’allient,
De leur amour s’entre-mercient ;
Comme deux tendres colombeaux,
N’est nulle joie et doux assauts
Qu’alors tous deux ne s’entre-fassent.
En longs transports ils s’entr’embrasse
Et s’entre-baisent tout le jour
Et se témoignent leur amour.
Aux Dieux tous deux grâces rendirent
Qui pour eux tel miracle firent,
Et par dessus tous à Vénus
Qui les avait aidés le plus.
Or est Pygmalion bien aise,
Or n’est-il rien qui lui déplaise.
Elle ne lui refuse rien,
Ce qu’il veut, elle le veut bien,
Lui de même obéit et prie,
Il fait toute sa fantaisie,
Et pour rien ne la contredit.
Il la mène enfin dans son lit,
De bon vouloir et sans contrainte.
Tant ont joué, qu’elle est enceinte
De Paphus qui donna son nom
A l’île de Paphos, dit-on,
Et jour à Cyniras, roi sage,
Fors seulement en un passage.
Parfait bonheur il aurait eu
S’il n’eût un jour été déçu
Par Myrrha, sa fille, la blonde,
Que la Vieille – Dieu la confonde !
Qui de péché nulle peur n’a,
La nuit dans son lit amena.
La Reine était à une fête ;
La pucelle, l’amour en tête,
Se mit près du roi sans qu’il sût
Qu’avec sa fille coucher dût.
Or donc, cette horrible chenille
Le Roi coucher avec sa fille
Laissa durant toute une nuit,
D’où le bel Adonis naquit.
La mère en arbre fut muée,
Car son père l’aurait tué
Lorsque l’intrigue il découvrit.
Mais oncques il réussit,
Car ayant approché le cierge,
Celle-ci, qui n’était plus vierge,
———
Par prompte fuite s’échappa,
Et le Roi point ne brûla.
Mais trop loin suis-je de ma matière,
Droit est que je retourne en arrière
Tout comprendrez moult clairement
Avant la fin de ce roman.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1230-1280
  • Auteur(es)
    Guillaume de Lorris et jean Meun
  • Description technique
    Parchemin. - 200 ff. - 350 x 250 x 35 mm
  • Provenance

    BNF, Manuscrits (Fr. 12595 fol. 152v)

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1302000664