Raymond Poincaré, notes journalières

Président du Conseil puis président de la République, Poincaré a pris des notes au jour le jour de ses entretiens, des séances du Conseil des ministres ou de ses visites officielles, et les a utilisées pour rédiger ses mémoires, intitulés Au service de la France et publiés de 1926 à 1934. La version qu’il donne ici de la réaction du gouvernement à la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France a été sensiblement remaniée dans l’édition de ses souvenirs.

« À Viviani, Schoen n’a pas dit que l’Allemagne nous déclarait la guerre ; mais à 6 h 1/2, pendant que le Conseil des ministres était réuni à l’Élysée, nous avons reçu de lui un pli qui contenait cette déclaration. Ça a été parmi tous les membres du Conseil un véritable soulagement. Jamais une déclaration de guerre n’a été accueillie avec une telle satisfaction. La France ayant fait tout ce qui dépendait d’elle pour maintenir la paix et la guerre étant néanmoins devenue inévitable, mieux valait cent fois que nous ne fussions pas amenés, même par la violation réitérée de notre frontière, à la déclarer nous-mêmes. »

Il est clair que, pour Poincaré (comme pour beaucoup de ses homologues européens), c’est moins la guerre en soi qui est à craindre que de s’y engager dans de mauvaises conditions. Aussi importe-t-il, sur la scène politique nationale comme face aux autres pays, de donner le sentiment de n’être pas l’agresseur (contrairement à ce qui s’est passé en 1870). Sont ainsi facilitées, à l’intérieur, la mobilisation patriotique de l’opinion et, à l’extérieur, l’intervention de la Grande-Bretagne au côté de la France ou la neutralité de l’Italie malgré son alliance avec l’Allemagne.