Découvrir, comprendre, créer, partager

Article

Naissance, vie et mort du cunéïforme

Tablette précunéiforme
Tablette précunéiforme

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Raphaël Chipault

Le format de l'image est incompatible
Au cours de la seconde moitié du 4e millénaire, entre 3500 et 3300 avant notre ère, la complexité du nouvel ordre social, liée au développement du phénomène urbain, a entraîné l’invention d’un outil de communication nouveau : l’écriture.

La Mésopotamie, le berceau de l’écriture

L’écriture est apparue simultanément dans plusieurs « cités-États » de Mésopotamie. Uruk (actuelle Warka, en Irak), située dans le sud, au cœur de la région qui sera désignée ensuite dans les textes mésopotamiens comme le « pays de Sumer », en est le site éponyme. Près de cinq mille étiquettes et tablettes en argile, parfois en pierre, y ont été mises au jour depuis la fin des années 1920.

Les signes comptables et graphiques qui les recouvrent sont normalisés et placés dans un ordre invariable, attestant qu’il s’agit bien de documents écrits. Des éléments d’archives épars, beaucoup moins importants en nombre, ont été découverts récemment, plus au nord, principalement sur les sites de Habuba Kabira et de Tell Brak (actuellement en Syrie). Ce phénomène de diffusion géographique, dans la région couverte par la culture dite d’Uruk, montre que cette invention s’inscrit dans le grand courant des découvertes liées à l’émergence de la notion d’État.

Diffusion de l’écriture cunéiforme du IIIe au Ier milléniare avant J.-C.
Diffusion de l’écriture cunéiforme du IIIe au Ier milléniare avant J.-C.

Si l’écriture n’est pas une invention isolée, elle est la caractéristique essentielle de la civilisation désormais « historique », qui éclôt. Peu après, au tournant des 4e et 3e millénaires, plus à l’est, en Iran, est apparue une écriture originale, composée de signes figuratifs ou abstraits, également gravés ou imprimés dans l’argile. Elle a été retrouvée principalement à Suse (Iran du Sud-Ouest), l’une des capitales du futur pays d’Élam ; mais cette graphie, appelée « protoélamite » par ses découvreurs, n’a pas eu de suite.

Les traces archéologiques

« En forme de clous ou de coins »

Le terme « clou » est déjà utilisé par les Sumériens, dans un texte littéraire, pour désigner leur écriture.

Le roi d’Assyrie Assurbanipal, au 7e siècle avant notre ère, se vante de savoir lire et écrire les « signes en forme de coins » tikip santakki sur les tablettes de la bibliothèque qu’il a constituée dans sa capitale de Ninive et dans laquelle il a rassemblé toute la sagesse écrite mésopotamienne : celle de Sumer, d’Akkad et de Babylone.

Ainsi, lorsque Thomas Hyde en 1700 et Engelbert Kämpfer en 1712 nomment l’écriture récemment redécouverte « cunéiforme », ils retrouvent, sans le savoir, l’appellation des anciens scribes mésopotamiens. Bien que cet aspect cunéiforme constitue le stade final de son évolution, la tradition a donné ce nom à l’ensemble du système d’écriture de la Mésopotamie, qui dura près de trois mille cinq cents ans.

Tablette économique : compte des ânes de charrue à atteler
Tablette économique : compte des ânes de charrue à atteler |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / image RMN-GP

Naissances de l’écriture au Proche-Orient

Les plus anciens témoignages écrits datent d’environ 3300 av. J.-C.

C’est principalement à Uruk, en Basse-Mésopotamie, l’ancien pays de Sumer, qu’ils ont été trouvés, au début de ce siècle, sous forme de milliers de tablettes d’argile inscrites qui représentent les archives administratives du grand complexe cultuel et palatial de la cité, l’Eanna : le « temple du ciel », demeure terrestre de la déesse Inanna. Ces textes notent vraisemblablement des rudiments de la langue sumérienne.

Des découvertes récentes montrent que l’écriture est attestée, à la même époque, sur des sites situés plus au nord de la Mésopotamie, sur le territoire de l’actuelle Syrie.

Vers 3100 av. J.-C., l’écriture se répand en Mésopotamie, tandis qu’un système original, appelé « protoélamite », parce qu’il note vraisemblablement déjà la langue élamite, apparaît en Iran, principalement dans la ville de Suse, avec l’arrivée probable d’un nouveau groupe culturel ; des textes semblables ayant été trouvés très loin, dans l’est de l’Iran, il est permis de se demander si l’origine de cette écriture ne serait pas à situer sur le plateau iranien. Pour des raisons historiques, l’écriture protoélamite, qui reste aujourd’hui indéchiffrée, n’a pas eu de suite.

Tablette en écriture protoélamite
Tablette en écriture protoélamite |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Larrieu

La seconde moitié du 4e millénaire av. J.-C. a donc vu l’apparition d’un courant intellectuel qui a entraîné la naissance, ou peut-être des naissances, de l’écriture au Proche-Orient. Quoi qu’il en soit, c’est le génie des scribes sumériens qui a su tirer parti de cette extraordinaire invention. Hasard des fouilles ou réalité, Uruk reste le site de référence de la naissance de l’écriture. Les nombreux documents qui y ont été retrouvés permettent d’étudier la formation et le rôle social de cette invention à ses débuts, mais aussi le fonctionnement et les premiers développements de l’écriture cunéiforme qui, pendant plus de trois mille ans, sera la caractéristique fondamentale et le facteur d’unité de la civilisation mésopotamienne. Ce sera aussi, par sa diffusion dans tout le Proche-Orient, le système d’écriture prédominant de l’antiquité préclassique.

Bulle-enveloppe scellée et calculi
Bulle-enveloppe scellée et calculi |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Les signes précunéiformes

Un phénomène social

L’écriture ne constitue pas une invention isolée, mais elle s’inscrit dans un contexte d’évolution de la société. Elle apparaît au cours d’une période de mutations profondes coïncidant avec l’apparition des villes. Dans la seconde moitié du 4e millénaire av. J.-C., la cité d’Uruk a déjà un long passé et une organisation sociale élaborée. Les artisans découvrent la technique du cuivre moulé et de la roue. Le temple de la divinité tutélaire est aussi un grand centre administratif. Les relations deviennent complexes. Comme la mémoire humaine est limitée, il s’avère nécessaire de trouver un système nouveau et unifié permettant de « prendre des notes » pour conserver les informations orales, puis de restituer le langage. C’est ainsi que l’écriture est née.

Tablette pictographique précunéiforme
Tablette pictographique précunéiforme |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Le sumérien

Fragment d’une grande tablette protoélamite
Fragment d’une grande tablette protoélamite |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

Les tout premiers témoignages de l’écriture sont difficilement déchiffrables pour nous. Bien que les signes ne permettent pas d’identifier la langue transcrite, il est vraisemblable qu’il s’agit, dès l’origine, du sumérien, langue isolée ne se rattachant à aucune famille linguistique connue. Les premières tablettes ne comportent que les éléments essentiels à la compréhension du message à conserver : des mots sans relation entre eux et non des phrases. À des nombres sont associés des signes - symbolisant des personnes, des animaux, des objets ou des marchandises -, incisés selon des tracés constants et normalisés, prouvant qu’il s’agit d’un répertoire reconnu et accepté par tous, donc d’une véritable écriture.

Signes protoélamites

Ces premiers signes, précunéiformes, représentent un mot (logogramme) ou une idée (idéogramme). Ce sont des images réalistes, ou bien déjà stylisées et simplifiées (des pictogrammes représentant le tout ou une partie de l’objet désigné) ou des symboles (transcrivant un concept ou une idée dont la signification figurative n’est pas reconnaissable immédiatement).

Cela a amené certains assyriologues à conclure à l’existence d’un stade plus archaïque de l’écriture, dont les deux tablettes de Tell Brak figurant le simple dessin d’une chèvre et d’un mouton à côté d’un nombre seraient peut-être des exemples. Mais les signes protoélamites, un peu plus récents, font apparaître des représentations d’animaux semblables à ceux de Tell Brak et il est raisonnable de penser que les scribes d’Uruk, qui devaient former un collège organisé, soucieux d’efficacité, ont créé un répertoire de signes dépassant très rapidement le stade des dessins aux formes compliquées, longs à tracer dans l’argile et sujets à des risques de déformations incompatibles avec le caractère codifié d’une écriture.

Tablette précunéiforme
Tablette précunéiforme |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Raphaël Chipault

L’argile

Si les inscriptions officielles sont gravées dans la pierre ou le métal, l’argile, seule véritable ressource de la Mésopotamie d’alors, est le support privilégié et imposé de l’écriture cunéiforme ; selon un mythe de création sumérien, elle est à l’origine de la vie : c’est à partir d’une poignée de terre que l’homme fut créé.

En écrivant sur l’argile, les créateurs de l’écriture se relient à la genèse du monde, à l’apparition de l’homme et des premiers principes de la civilisation ; ils en transcrivent les symboles en images de terre selon les critères de leur pensée et les symboles de leur société.

De nombreux concepts ont été représentés de façon abstraite dès les premiers essais de l’écriture. C’est le cas pour l’animal le plus souvent « compté », le mouton : une croix dans un cercle désigne l’animal dans son enclos. L’idée est facile à comprendre et nous utilisons, encore aujourd’hui, le principe des croix dans des cases pour répertorier rapidement des objets ou des éléments qui se répètent. Mais d’autres symboles plus élaborés ne peuvent être compris que grâce à leur forme évoluée, permettant de remonter les différentes étapes d’une évolution sur près de trois millénaires et d’en comprendre la forme primitive. Certains signes archaïques nous restent encore obscurs.

Mythe sumérien de la création de l’homme
Mythe sumérien de la création de l’homme |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Tablette précunéiforme
Tablette précunéiforme

Principes et évolution de l’écriture cunéiforme

video |

© BnF - Éditions multimédias

L'écriture cunéiforme

Simplification de l’écriture

Préparation médicale contre la paralysie faciale
Préparation médicale contre la paralysie faciale |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Simple aide-mémoire à l’origine, l’usage de l’écriture s’est développé rapidement au cours des siècles suivants, dans sa forme et dans son contenu. La graphie linéaire, incisée à l’aide d’un outil pointu, s’est vite déformée, les signes perdant toute ressemblance avec le tracé figuratif primitif. Les contraintes du support d’argile ont déterminé la transformation des signes : comme il est difficile de tracer des lignes courbes sur l’argile fraîche, on les décompose en lignes droites, bientôt imprimées et non plus incisées au moyen d’un calame de roseau, à bout triangulaire, qui produit des impressions en forme de coins. C’est ainsi que la graphie devient « cunéiforme ».
Cette transformation est en germe dès les débuts de l’écriture, puisque les plus anciennes tablettes (Uruk IV) comportent déjà certains signes imprimés « cunéiformes », à côté de signes tracés.

Parallèlement à l’évolution du graphisme, les scribes ont cherché à augmenter les possibilités du système idéographique pour noter davantage d’informations et les rendre plus précises, par la création de signes composés.

Déterminatifs
Déterminatifs

Pour simplifier l’écriture, on a cherché à réduire le nombre de signes. Ainsi, le même idéogramme peut servir à transcrire des choses ou des idées voisines comme la bouche (KA), le nez (KIR4), la parole (INIM), mais aussi l’action de parler (DU11), de crier (GU3), etc. Le lecteur doit choisir entre ces sens divers selon le contexte. Pour remédier à cette difficulté de lecture, des déterminatifs de classification sont placés en début ou en fin de mot ; ils ne se lisent probablement pas à haute voix, et servent simplement à préciser à quelle catégorie appartient le concept exprimé : dieu, homme (pour les noms propres), femme, astre, poisson, pays, objet en pierre ou en bois.

Déterminatifs
Déterminatifs

Le sumérien comporte beaucoup de mots d’une seule syllabe, ce qui implique que de nombreux mots aient le même son et des significations différentes (comme en français « verre », « ver » ou « vert » ). Il existe par exemple seize signes sumériens se prononçant « du ». Pour les transcrire et les distinguer les uns des autres, les déchiffreurs modernes les ont numérotés :

  • DU1 signifie « aller » ;
  • DU3 signifie « faire, construire » ;
  • DU6 signifie « colline (tell) », etc.

Apparition des phonogrammes

Ka, la bouche
Ka, la bouche

Les Anciens, quant à eux, devaient les différencier grâce à des nuances de ton. Par souci de simplification, ces variantes de sons sont souvent notées arbitrairement par un seul de ces signes, selon le principe de nos rébus modernes. La nécessité de transcrire les noms propres et les liaisons grammaticales a conduit les scribes à inventer très rapidement des signes-sons (phonogrammes) en dépouillant les idéogrammes de leur sens pour ne conserver que leur son : ainsi, le signe de la bouche (KA) sert à exprimer le son « ka ».

Ces procédés ont entraîné une diminution du répertoire des signes qui est passé de 900 à l’époque primitive à environ 500 vers 2400 av. J.-C. On a abouti à un système en partie phonétique, syllabique, bien attesté dès 2800 avant notre ère à Ur, permettant d’écrire des phrases, avec les relations des mots entre eux et les nuances de la langue parlée. Dès les origines, les scribes d’Uruk ont entrepris un travail de classification des mots de leur langue et des signes de leur écriture par l’établissement de listes de mots établies dans un but pédagogique. C’est ce qu’on appelle les « listes lexicales », qui resteront la base de l’enseignement de l’écriture et des langues pendant toute l’histoire du cunéiforme. Dès la naissance de l’écriture sont apparues des listes de professions et des listes thématiques simples (objets en métaux, textiles).

Évolution et adaptation de l’écriture

Le contenu des textes s’est enrichi parallèlement aux possibilités nouvelles de restituer par écrit tous les éléments de la langue sumérienne. Ces progrès de l’écriture ont dû contribuer, à leur tour, à faire évoluer la langue.

À l’époque des Dynasties archaïques, (vers 2800-2340 av. J.-C.), à côté des contrats et documents économiques, apparaissent des textes de divination et des tablettes littéraires. Vers 2600, les premières versions écrites de la littérature sumérienne sont transcrites souvent au moyen de racines simples, laissant au lecteur le soin de suppléer les éléments absents. Elles relèvent encore d’une tradition en grande partie orale et les difficultés de lecture en sont parfois insurmontables.

Vers le milieu du 3e millénaire, les signes décomposés, renversés, simplifiés, utilisés pour leur son et non plus pour leur sens premier, perdent une partie de leur contenu symbolique et leur évolution graphique s’accentue d’autant plus vite. La grammaire est désormais fixée, les phrases sont écrites dans la succession normale des mots et pourvues de tous leurs éléments grammaticaux. L’écriture cunéiforme restitue les nuances de la pensée. Son adaptation à d’autres langues va devenir le facteur principal de son évolution.

Maquette de foie divinatoire
Maquette de foie divinatoire |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

L’expansion de l’écriture cunéiforme

L’adaptation de l’écriture cunéiforme

L’adaptation de l’écriture cunéiforme à d’autres langues va devenir le facteur principal de son évolution.

Vers 2340 av. J.-C., les nouveaux maîtres du pays, les empereurs d’Akkad, utilisent les signes de l’écriture sumérienne pour transcrire leur langue sémitique, l’akkadien. À la fin du 3e millénaire av. J.-C., à la faveur d’un bref retour des Sumériens au pouvoir, poètes, écrivains et savants mettent par écrit et diffusent les grandes œuvres littéraires de la vieille tradition orale : hymnes aux dieux, mythes, prières, épopées, essais philosophiques, recueils sapientiaux.

Hymne à la déesse Ishtar
Hymne à la déesse Ishtar |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Raphaël Chipault

Le sumérien supplanté par l’akkadien

Vers 2000 av. J.-C., le sumérien disparaît comme langue parlée en Mésopotamie, remplacé par l’akkadien qui se divise alors en deux dialectes : assyrien au nord, babylonien au sud. Mais le poids de la tradition impose le bilinguisme : « Un scribe qui ne connaît pas le sumérien est-il vraiment un scribe ? » dit un dicton akkadien. Le sumérien restera la langue de culture savante jusqu’à la fin de l’histoire de l’écriture cunéiforme.

Observations astronomiques et horoscopes
Observations astronomiques et horoscopes |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Grâce au prestige de la culture babylonienne, au milieu du 2e millénaire av. J.-C., ce système compliqué se répand dans tout le Proche-Orient ancien pour noter des langues de familles et de structures différentes : sémitiques, indo-européennes comme le hittite, ou celles qu’on nomme « asianiques » ou isolées, faute de pouvoir les rattacher aux deux autres systèmes. Au cours de sa longue histoire, l’écriture cunéiforme a pénétré dans des territoires allant de l’Égypte à l’Iran et de l’Anatolie à l’île de Bahreïn. Le babylonien servait de langue diplomatique internationale et c’est en babylonien que le grand roi hittite ou le pharaon d’Égypte communiquaient avec les princes de la côte méditerranéenne. La méthode d’enseignement des scribes mésopotamiens a été transmise à tout le Proche-Orient antique. Dans toutes les archives des bibliothèques retrouvées dans des villes de cette région du monde figurent des extraits de la grande encyclopédie en vingt-quatre volumes compilée par les Sumériens, puis par les Babyloniens.

Le premier alphabet organisé

Le premier alphabet organisé connu est en écriture cunéiforme simplifiée de trente signes ; il a été inventé à Ougarit, ville commerçante de la côte syrienne vers le 14e siècle av. J.-C. et a servi à noter la langue sémitique locale.

Déchiffrement de l’abécedaire d’Ougarit
Déchiffrement de l’abécedaire d’Ougarit

C’est dans cette écriture cunéiforme alphabétique que les habitants d’Ougarit ont écrit leurs mythes et leurs rituels religieux, mais aussi une partie de leur correspondance et les textes administratifs du royaume.

Déclin du cunéiforme

Texte babylonnien
Texte babylonnien

Au 1er millénaire, les nomades araméens pénètrent en Mésopotamie, y introduisant leur langue écrite au moyen d’un alphabet linéaire, facile à apprendre et à utiliser, accessible à tous, pouvant s’écrire sur un support léger, le papyrus. L’écriture cunéiforme, lourde et réservée à un petit nombre d’initiés, va peu à peu régresser. Mais le dernier millénaire de l’existence du cunéiforme est aussi celui où les nuances de la langue et de l’écriture atteignent, aux yeux des savants scribes de Babylone, leur plus grande perfection. Face à l’importance croissante de l’alphabet, qu’ils considèrent sans doute comme une écriture inférieure, incapable et indigne de noter toutes les nuances de la pensée et de la langue, ils adoptent, dans des recueils savants qui connaissent alors leur âge d’or (ouvrages de divination et principalement d’astrologie), une écriture idéogrammatique particulière. Une tablette mathématique livrant les dimensions de la tour à étages du grand sanctuaire du dieu Marduk, à Babylone, la tour de Babel de la Bible, porte un colophon spécifiant que ces mesures sont secrètes : « Que l’initié instruise l’initié le profane ne doit pas voir. »

Les multiples possibilités graphiques et symboliques de l’écriture cunéiforme permettent également aux théologiens d’expliquer la genèse du monde, des dieux, des hommes et de la civilisation. Ces lectures savantes, ces jeux graphiques ésotériques rejoignent la volonté d’établir des listes de toutes les données de la nature et des concepts de la civilisation, le besoin de « cataloguer » le monde abstrait et concret pour tenter de le comprendre et d’atténuer l’inquiétude que provoquent les phénomènes inexpliqués.

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

Lien permanent

ark:/12148/mmfq5w6kkg937