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Préciosité des matériaux, vertu de la dévotion

Les dix défenses du bhiksu
Les dix défenses du bhiksu

Bibliothèque nationale de France

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En Chine, la préciosité des matériaux est un élément essentiel dans la qualité d'une calligraphie. Soie ou papier, encres d'or ou d'argent sont employés dans des copies votives, destinées aux sanctuaires bouddhiques.

On ne peut évoquer l’art du trait sans mentionner la qualité des supports. Les textes les plus importants de l’Antiquité qui nous sont parvenus furent, pour la plupart, écrits sur des supports précieux et onéreux. C’est sur la soie et le papier, développés très précocement, que va se concentrer cet art.

Supports précieux

Les documents les plus anciens que l’archéologie nous a restitués, dont certains remontent à la seconde moitié du deuxième millénaire avant notre ère, sont inscrits sur des plastrons de tortue que l’on faisait venir de loin, puis sur de la vaisselle de bronze qui exigeait une technologie avancée et de gros moyens. Plus tardivement on inscrivit aussi des épitaphes sur de grandes dalles de pierre. Tous ces matériaux extrêmement coûteux nécessitant un investissement collectif important étaient réservés au domaine rituel.

L'usage de la soie

La soie vient s’ajouter à cette énumération, mais les spécimens qui nous sont parvenus sont très peu nombreux. Fabriquée depuis le néolithique, cette matière était employée comme support pictural vers le 5e siècle avant notre ère. L’étoffe de soie était enduite et préparée. Les textes séculiers étaient surtout notés sur des matières plus ordinaires telles que le bois, le bambou, et plus tard le papier qui remplaça la plupart des matériaux antérieurs.
L’usage de la soie, comme support de l’écriture ou de la peinture, roulée, ou découpée et montée en album a perduré jusqu’à nos jours.

Sûtra du Bouddha de longévité incommensurable
Sûtra du Bouddha de longévité incommensurable |

Bibliothèque nationale de France

Sur papier, l’art du copiste bouddhique au 6e siècle

Des rouleaux faits de feuilles de papier remplacèrent les coûteux rouleaux de soie et permirent une diffusion plus large des écrits. Dans la collection des manuscrits de Dunhuang conservés à Paris, le plus ancien est daté du 4 juin 512, mais quelques rares spécimens sont encore antérieurs.

Le papier, presque aussi léger que la soie, dont l’existence est attestée depuis le règne de l’empereur Wu des Han (141-87 avant notre ère), servit d’abord comme matériau protecteur avant d’être utilisé pour l’écriture. Il fut ensuite utilisé à l’imitation des rouleaux de soie. Les feuilles étaient limitées aux dimensions de la forme, constituée d’un cadre de bois sur les traverses duquel on posait un écran, et qui était plongée dans la cuve de pâte liquide. Une fois séchées, les feuilles étaient collées bout à bout, puis roulées à l’instar de l’étoffe.

Le Traité de la grande vertu de sagesse
Le Traité de la grande vertu de sagesse |

Bibliothèque nationale de France

Quelques rouleaux conservés à Paris atteignent exceptionnellement près de cinquante mètres. Le papier à vergeures pouvait être constitué de fibres de ramie, mais le plus fréquemment de chanvre, parfois d’écorce de mûrier, de chiffon, la pâte étant ensuite plus ou moins longuement travaillée. On a aussi cru pouvoir déceler d’autres fibres, comme l’hibiscus, ou le rotin. Avant son utilisation, le papier pouvait être enduit à la brosse de substances diverses telles que l’amidon, le gypse, le talc ou le kaolin, pour faciliter le glissement du pinceau. Plus tard, sa préparation s’est spécialisée en fonction des techniques picturales : absorbant pour la calligraphie ou le lavis, enduit d’alun pour la peinture méticuleuse.

Transmission du dharma des causes fondamentales et accessoires
Transmission du dharma des causes fondamentales et accessoires |

Bibliothèque nationale de France

Papiers teintés

Les papiers anciens étaient souvent teintés, usage qui commença dès les Han. On a analysé ces teintures comme des décoctions d’écorce de Phellodendron amurense, guanhuang bai appelées huangbo, contenant de la berberine et de la palmatine, ou de chuanhuangbai, Phellodendron sacchalinense, ou d’orpiment, cihuang, imprégnant dans la masse les feuilles d’une profonde couleur jaune. Ces teintures appliquées aux papiers réservés aux textes importants les protégeaient contre les insectes. L’arsenic était aussi utilisé pour cet usage. Parfois, le papier était apprêté à la cire chaude. La hauteur des feuilles se décida en fonction de la nature des textes transcrits. La forme du rouleau de papier fut alors fixée jusque vers le 11e siècle où, après divers essais, fut adopté le format en codex. Les manuscrits de Dunhuang permettent de visualiser cette transition.

Récit des vies antérieures du Bouddha
Récit des vies antérieures du Bouddha |

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Lokaupapatti sûtra
Lokaupapatti sûtra |

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Offrandes calligraphiques aux encres d’or ou d’argent

L’encre de couleur noire est d’usage universel, qu’il s’agisse de documents laïques ou religieux. Pour cette dernière catégorie d’écrits rituels ou votifs, d’autres encres métalliques à l’argent ou à l’or, plus coûteuses, ont parfois été utilisées : souvent appliquées sur des papiers teints en couleurs sombres, elles joignent au plaisir esthétique un élément de nature économique, enchérissant la valeur monétaire de l’offrande et conférant aux textes sacrés un caractère précieux dans tous les sens du terme.

Sûtra de Guanyin
Sûtra de Guanyin |

Bibliothèque nationale de France

Pour enrichir et embellir une copie votive, il existe plusieurs types de présentation : un texte calligraphié à l’encre d’argent, à l’encre d’or, en combinant les deux ou en alternant le noir et l’or. On peut ajouter à ces encres d’offrande celle qui mêle à l’encre le sang du copiste, pour en augmenter le caractère dévotionnel.

Porteurs de vajra dans le sûtra du diamant
Porteurs de vajra dans le sûtra du diamant |

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Pour qu’une offrande soit signifiante, il faut que sa valeur monétaire soit élevée par rapport à l’état de la bourse du donateur. Comme le rappelle Jean-Pierre Drège : « Le prix d’une copie est évidemment en quelque sorte proportionnel à la profondeur de l’intention. C’est ce que l’on peut constater devant l’étonnement de Zhang Wanfu, préfet de Luozhou pendant l’ère Zhenguan (627-649), qui n’était guère respectueux de la foi bouddhique. Il fut informé qu’une nonne vertueuse avait fait copier un exemplaire du Sûtra du lotus pour la somme de mille cinq cents duanwu, alors, s’étonnait le préfet, qu’à la capitale on pouvait faire copier un exemplaire par les meilleurs copistes pour sept ou huit duan. »

Sûtra du diamant
Sûtra du diamant |

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Vœux du bodhisattva Samantabhadra
Vœux du bodhisattva Samantabhadra |

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En 840, le moine japonais Ennin (794-864) se rendit au site sacré de Wutaishan, en Chine centrale, et logea une nuit au monastère du Pavillon d’or, le Jin’gesi. Parmi les trésors accumulés dans le temple, il remarqua un Canon bouddhique constitué de six-mille rouleaux calligraphiés en caractères d’or et d’argent sur un papier bleu foncé, munis de bâtons d’enroulement précieux faits de bois de santal blanc, de jade et d’ivoire. Cette offrande avait été faite par un certain Zheng Daojue, de Chang’an, qui au cours de son pèlerinage à Wutaishan en 779, fut frappé par l’apparition de Manjusri, le bodhisattva honoré en ce lieu, entouré d’une myriade de bodhisattvas ainsi que de la vision du paradis resplendissant d’or.

Sûtra du lotus
Sûtra du lotus |

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Offrir des copies à l’or et à l’argent devait avoir un caractère exceptionnel, mais l’usage en était sans doute répandu dans toute la Chine bouddhique. Les sûtras, tout comme les bannières ou les peintures aux encres précieuses qui servaient d’offrandes, étaient conservés dans le trésor des monastères. On ne peut savoir si les copies de Dunhuang furent réalisées sur place. Ces rouleaux fragmentaires sont parmi les plus anciens spécimens connus de calligraphies à l’or sur papier coloré, témoins d’une tradition qui a perduré pendant plus de mille ans et s’est répandue dans d’autres terres bouddhiques, telles que le Japon ou, beaucoup plus tardivement, le Tibet. Des sûtras furent aussi imprimés en Chine à l’encre précieuse. Plus tardivement, l’encre d’or semble parfois utilisée comme un embellissement précieux.

Vœux du bodhisattva Samantabhadra, du Sûtra de l’ornementation fleurie
Vœux du bodhisattva Samantabhadra, du Sûtra de l’ornementation fleurie |

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Album illustré de vingt peintures d’arhat
Album illustré de vingt peintures d’arhat |

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