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Évolutions techniques du livre industriel

Histoire des quatre fils Aymon
Histoire des quatre fils Aymon

© Bibliothèque nationale de France

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Au 19e siècle, l'important renouvellement intellectuel, économique et technique, la transformation de l'ensemble des procédés de fabrication accompagnent l'élargissement du lectorat et la mutation du système éditorial et commercial.

Nouveaux procédés de fabrication

La transformation des procédés de fabrication du livre, qui n'avaient pas connu de changements importants depuis l'apparition de l'imprimerie, touche chacune des étapes de la production, allant de la fabrication du papier à l'impression du texte et à la reproduction des images, faisant de ce qui avait été un artisanat une industrie nécessitant la mobilisation de capitaux importants.

La Papeterie d’Essone : les lessiveurs sphériques
La Papeterie d’Essone : les lessiveurs sphériques
Construction de machines spécifiques pour l’imprimerie
Construction de machines spécifiques pour l’imprimerie |

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La fabrication du papier

À la suite de l'invention, en 1798, de la première machine à papier en continu par Louis-Nicolas Robert, les papetiers portés par la demande accrue de papier journal et de papier d'emballage adoptent dans les années 1820-1837 les techniques de production de « papier mécanique ». Face aux besoins croissants de pâte à papier, le bois supplante à partir de 1880 le chiffon, coûteux et peu abondant.

L'impression du texte

Au début du 19e siècle, la presse en bois à deux coups, peu différente de celle construite par Gutenberg, est remplacée par une presse à un seul coup imaginée par Louis-Laurent Anisson et François-Ambroise Didot et perfectionnée par Charles Stanhope en 1795. Cette nouvelle presse fonctionne suivant le même principe que la presse traditionnelle en bois, mais, entièrement constituée de métal et possédant une platine plus vaste, elle imprime deux pages en un seul coup et permet d'obtenir des rendements dix fois supérieurs. Cette presse d'origine anglaise arrivée en France en 1814 connaît une importante diffusion sur le territoire français.
La rotative, plus productive encore, est mise au point par Hippolyte Marinoni qui met au point une machine utilisant des clichés fixés sur des cylindres, qu'il vend en 1866 au quotidien parisien La Liberté.
Tout d'abord adoptée dans le domaine de la presse, la mécanisation gagne ensuite celui du livre. Les nouvelles usines n'ont plus rien de commun avec les ateliers décrits dans les Illusions perdues d'Honoré de Balzac. Les structures que développent Alfred Mame à Tours, Firmin Didot au Mesnil-sur-l'Estrée, Paul Dupont à Paris puis Clichy sont des établissements industriels qui emploient une main-d'œuvre nombreuse.

Imprimerie Mame. Atelier de composition
Imprimerie Mame. Atelier de composition |

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Ces évolutions restaient toutefois ralenties par la lenteur de la composition typographique nécessitant la manipulation de milliers de caractères. Tout au long du 19e siècle on assiste à de nombreuses tentatives pour mécaniser l'alignement des caractères et la justification des lignes. Mais les différentes composeuses mécaniques imaginées restent d'un usage très complexe jusqu'à la naissance d'une composeuse fondeuse, fondant les caractères au fur et à mesure des besoins : c'est la linotype, inventée en 1884 par Mergenthaler, suivie de la monotype de Lanston en 1887 qui propose des lignes parfaitement justifiées.

La reproduction des images

les Voleurs et l’âne
les Voleurs et l’âne |

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L'évolution des techniques permet d'augmenter considérablement la part de l'iconographie dans le livre imprimé : la gravure sur bois de bout, puis la lithographie, conduisent à une véritable industrie de l'illustration.

La gravure sur bois, qui offre l'avantage d'une impression sous la même presse typographique que le texte, est transformée par l'Anglais Thomas Bewick qui grave au burin sur un bois « de bout » (tranché perpendiculairement au sens de la fibre du bois et travaillé au burin). La finesse des traits et la solidité du support, qui permet des tirages en grand nombre, font tout le succès de cette technique qui s'impose dans le livre romantique comme dans la production d'affiches, de cartes géographiques et de partitions musicales.
La gravure sur acier, pratiquée à l'aide d'un burin, autorise, elle aussi, des tirages élevés.

London a pilgrimage
London a pilgrimage |

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Vue du château de Clisson (Loire-Atlantique)
Vue du château de Clisson (Loire-Atlantique) |

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La lithographie utilise le principe de l'impression à plat, contrairement à la gravure en creux utilisée auparavant, et tire son nom de la pierre (lithos en grec) sur laquelle le dessin est exécuté. Elle permet un dessin plus libre dont elle rend toutes les nuances. Utilisée fréquemment dans la presse au service de la caricature, elle apparaît pour la première fois dans le livre en 1807. À la fin du 19e siècle la photogravure et la similigravure révolutionnent les techniques d'impression et d'illustration, modifiant profondément l'esthétique du livre.

l'Ange anatomique
Myologie complète en couleur et grandeur naturelle
l'Ange anatomique
Myologie complète en couleur et grandeur naturelle |

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Ces innovations techniques renforcent la place de l'illustration dans le livre. Reproduite hors-texte ou intégrée dans la mise en pages, l'image investit l'édition scientifique et technique autant que la littérature. Les livres destinés à la jeunesse, romans de la comtesse de Ségur ou de Jules Verne, paraissent, richement illustrés.

Le livre illustré

La révolution de l'illustration au 19e siècle est incontestablement dominée par Gustave Doré qui va donner à cet art ses lettres de noblesse, même s'il est précédé par d'illustres artistes, comme Gavarni, Grandville ou Tony Johannot qui adopte en France la technique de bois de bout.

Vingt mille lieues sous les mers
Vingt mille lieues sous les mers |

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L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche
L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche |

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La gravure sur bois de bout, c'est-à-dire sur des blocs de bois sciés perpendiculairement aux fibres, gravure en relief très fine permettant de revenir à l'impression simultanée de l'image et du texte, opère un véritable changement dans la page. L'image, intégrée à la typographie, peut jouer, dialoguer avec le texte. Les vignettes ont perdu leur cadre classique et semblent projetées sur la page blanche, témoignant d'une liberté nouvelle.

Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux
Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux |

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L'image remplit désormais les pages des publications populaires qui se multiplient. Romans, feuilletons et périodiques sont illustrés de scènes significatives de l'histoire, destinées à inciter à la lecture, alors que le texte est souvent en petits caractères. L'arrivée de la photographie et de ses procédés dérivés, comme la photogravure, facilite la présence de l'image dans les ouvrages imprimés, tout en changeant son statut. Censée reproduire exactement la réalité, elle remplit dès lors un rôle informatif, tandis que dessins et gravures, regardés comme une expression personnelle, donc subjective, vont occuper essentiellement le champ artistique du livre.

Le Loup et le petit Chaperon rouge
Le Loup et le petit Chaperon rouge |

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Le Chat et le vieux rat
Le Chat et le vieux rat |

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Le Petit Poucet et ses frères perdus dans la forêt
Le Petit Poucet et ses frères perdus dans la forêt |

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La Belle au bois dormant
La Belle au bois dormant |

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De grands artistes se mettent au service de l'édition. Gustave Doré est le plus prolifique d'entre eux : en une trentaine d’années, il exécute près de dix mille illustrations pour l’édition. Ses dessins gravés sur bois donnent vie aux grands textes de la littérature : Les Fables de La Fontaine, les Contes de Perrault, mais aussi : Pantagruel de Rabelais, Don Quichotte de Cervantès ou La Divine Comédie de Dante…
Bénéficiant des progrès techniques de la quadrichromie, l'anglais Arthur Rackham restitue les nuances de l’aquarelle dans un graphisme au trait fin et complexe. Ses illustrations charment et impressionnent par leur grâce, leur étrangeté non dépourvue d’humour et leur fascinante beauté.

La photographie

Pyramides de Gizèh, le sphinx et la pyramide de Kephren
Pyramides de Gizèh, le sphinx et la pyramide de Kephren |

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La photographie, nouvellement inventée, envahit l'édition dès les années 1850. Des tirages originaux sont collés dans les premiers albums publiés. La photographie exige en effet un papier spécial. Elle n'entrera dans le processus d'imprimerie vers 1880 qu'au terme de longues recherches qui aboutiront à la photogravure.

Vulgarisation scientifique

Les plus belles nébuleuses du ciel
Les plus belles nébuleuses du ciel |

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Les ouvrages de vulgarisation scientifique et technique se multiplient grâce à la qualité des illustrations qui contribuent à les rendre intelligibles. L'Astronomie populaire (1879), écrit par Camille Flammarion, est un des grands succès de la maison fondée par son frère Ernest en 1874.

Évolution des formes du livre

Les progrès techniques permettent l'évolution des formats du livre. Une des grandes nouveautés du siècle est l'album. Le nom désigne d'abord des recueils de lithographies rassemblant caricatures, paysages, portraits ou monuments, avant de s'appliquer aux ouvrages de grands formats, largement illustrés et destinés aux enfants.

L'illustration et la photographie s'installent sur la couverture des livres.

La Fontaine des familles / fables choisies par René d’Isle
La Fontaine des familles / fables choisies par René d’Isle |

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À partir des années 1920, les maisons d'édition s'attachent les services de graphistes professionnels qui créent l'identité visuelle de leurs collections, en jouant sur et avec la typographie et l'illustration des couvertures.

Les conséquences des évolutions techniques de la reproduction de l'image sur l'évolution de la page sont particulièrement visibles dans le cas particulier de l'Histoire du roi de Bohême.

Oeuvre d’Honoré Daumier
Oeuvre d’Honoré Daumier |

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