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Le Coran

Recueil de prières
Recueil de prières

© Bibliothèque nationale de France

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Troisième des grands monothéismes, l’islam s’est édifié tout entier sur le Coran, Parole de Dieu transmise, selon les croyants, directement au prophète Muhammad. Né dans les déserts d’Arabie au 7e siècle, le texte sacré, à la fois source du dogme, base de la liturgie et code juridique, structure aujourd’hui le rapport au monde de plus d’un milliard de musulmans, vivant en majorité en Afrique et en Asie.

Contrairement à la constitution de la Bible dont l’écriture des textes s’échelonne sur plusieurs siècles, le Coran s’inscrit dans un contexte historique datable et précis : Muhammad, réceptacle de la Révélation divine, « sceau » des prophéties antérieures, fut aussi un homme politique, créateur d’un État. Celui-ci, devenu à son apogée un immense empire allant de l’Andalousie à l’Indus, se donna explicitement pour double fondement le Coran et les traditions du Prophète. Toute explicitation de ces écrits ne saurait être la même suivant que l’on se place du point de vue du croyant, ancré dans la tradition, qui aborde les faits dans le cadre d’une foi préétablie, ou de celui de l’historien qui entretient avec le sujet un rapport plus distancié.

Un homme : la Révélation coranique

Selon les données de la tradition musulmane, Muhammad serait né vers 570 à La Mecque, grand carrefour commercial de la péninsule Arabique. Issu de la tribu des Qoraysh qui contrôlait alors la ville, il devient caravanier et sillonne les routes jusqu’en Mésopotamie où il se trouve certainement en contact avec des tribus juives et chrétiennes. À l’âge de quarante ans, alors commerçant prospère marié à une riche veuve, il prend l’habitude de se retirer pour méditer dans la grotte de Hira, proche de La Mecque. C’est là qu’en 610 il reçoit les premières révélations dictées par l’archange Gabriel ; elles dureront jusqu’à sa mort, en 632. Les paroles divines qu’il récite (qur’ân vient de la racine qara’a réciter) et répète, sous une forme brève et saccadée, clament l’unicité et la toute-puissance divine de Dieu, en rupture radicale avec le polythéisme régnant alors et s’opposant à la conception trinitaire du christianisme.

L'archange Gabriel révèle au prophète Muhammad la VIIIe sourate
L'archange Gabriel révèle au prophète Muhammad la VIIIe sourate |

© Musée du Louvre

Entrée de Mahomet à La Mecque et destruction des idoles
Entrée de Mahomet à La Mecque et destruction des idoles |

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La prédication débute dans sa ville natale où se regroupe rapidement autour de lui une communauté de croyants, désignés sous le nom de musulmans, « ceux qui se remettent [à Dieu] ». En butte aux pouvoirs locaux qu’il critique violemment, il doit s’exiler en 622 au nord de l’Arabie, à Yathrib, la future Médine (Madînat al-nabî, « la Ville du Prophète »). Cette émigration, appelée hégire, marque symboliquement le début du nouveau calendrier musulman, basé sur un rythme lunaire. Chef guerrier par ses combats contre les Mecquois mais aussi contre les clans juifs et chrétiens, le Prophète assure, une fois la victoire militaire acquise, un rôle politique, organisant la collectivité des croyants et créant la base d’un nouvel État. En 630, il conquiert La Mecque et détruit les idoles vénérées dans la ville. Il meurt en juin 632, à Médine, après un dernier pèlerinage à La Mecque préfigurant celui que chaque croyant accomplit encore aujourd’hui.

La Mecque et Médine
La Mecque et Médine |

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Le Tombeau du Prophète
Le Tombeau du Prophète |

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La rédaction du texte

Lors du vivant de Muhammad, les révélations, données sous forme fragmentaire, furent d’abord mémorisées puis transmises oralement par ses compagnons. Très vite se posa la nécessité d’en fixer le texte par écrit et d’unifier les nombreuses versions souvent divergentes qui circulaient. La tradition rapporte qu’un énorme travail de vérification, entrepris sous le troisième calife ’Uthmân – soit un quart de siècle après la mort de Muhammad –, aboutit à la mise au point d’une vulgate officielle et définitive. Un certain nombre de variantes conservées disparurent progressivement et on n’en garde plus trace aujourd’hui, effort d’unification contesté pendant les trois premiers siècles de l’hégire par les courants schismatiques. Néanmoins, le texte rédigé dans une graphie primitive où les consonnes et les voyelles étaient partiellement notées nécessitait le recours à une pratique spécifique, la science de la lecture (’ilm al-qirâ’a) qui comprenait à la fois la façon de prononcer et de psalmodier ; seules sept écoles de lecture aux différences infimes subsistèrent dans les principales villes du monde musulman.

Le texte : structure et contenu

Exemple d’écriture naskh
Exemple d’écriture naskh |

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Commentaire du Coran par Tabari
Commentaire du Coran par Tabari |

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Le Coran comporte 114 chapitres de longueur inégale, les sourates, traditionnellement numérotées en chiffres romains dans les traductions ; chacune d’elles se compose d’un nombre variable de versets (âyât), les plus petites unités textuelles. Les sourates ne se présentent pas dans l’ordre originel chronologique de la Révélation mais ont été classées lors de la fixation du texte par ordre décroissant de longueur. Les exégètes, se reportant aux épisodes de la vie du Prophète, les ont réparties entre sourates révélées à La Mecque et celles révélées à Médine, datations remises en cause par Th. Nöldeke en 1860 et d’autres orientalistes occidentaux, qui ont proposé une nouvelle classification fondée sur l’étude interne du texte et de sa stylistique. Cette nouvelle périodisation montre l’évolution des thèmes de la prédication mais aussi du style dans lequel elle se donne. Les sourates plus courtes, à caractère incantatoire, remontent à la première période mecquoise tandis que celles de Médine, très longues, ne définissent plus seulement une attitude religieuse mais fondent un comportement social. Elles constituent des ensembles souvent composites, dont le titre a été donné postérieurement en fonction de leur contenu. Certaines tiennent une place particulière ; ainsi la Fâtiha, la « Liminaire », sourate très courte de sept versets qui ouvre le Coran et joue un rôle essentiel dans la liturgie. Chacune débute par la basmala « bismillahi al-rahmân al-rahîm » (« Au nom de Dieu clément et miséricordieux »), invocation ponctuant de nombreux actes de la vie quotidienne.

Décors pour aider à la lecture
Décors pour aider à la lecture |

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Un texte incréé

La nature même du Coran a fait l’objet de nombreuses spéculations théologiques : si, pour les traditionalistes, son caractère incréé, dicté par Dieu, ne saurait être mis en doute et constitue l’essence même de son inimitabilité (i’jâz), d’autres courants comme celui des mutazilites ont voulu y voir un texte créé et donc inspiré. Ce chef-d’œuvre linguistique et poétique, ultime preuve pour les croyants de son caractère divin, car il dépasse largement les capacités linguistiques de Muhammad, caravanier quasiment illettré, est écrit dans une langue variée, aux accents différents selon les moments de la Révélation. Dénuées d’ordre thématique ou chronologique, les sourates abordent un grand nombre de sujets sans logique apparente ni structurée, mêlant les genres, récits, exhortations, poésie ou prose rythmée. Les premières sourates mecquoises se distinguent par la violence poétique de leurs versets brefs, heurtés et allusifs débutant souvent par des formules de serment.

Un texte sacré

Cuir découpé sur un fond de soie verte
Cuir découpé sur un fond de soie verte |

Bibliothèque nationale de France

Coran
Coran |

© Bibliothèque nationale de France

Le Coran tient une grande place dans la vie quotidienne de chaque musulman. Tenu en tant que Parole de Dieu pour l’objet le plus sacré, sa manipulation impose des règles précises à respecter développées dans les traités de droit. Il convient ainsi de traiter le livre avec le plus grand respect : on ne mange, ni ne boit ni ne fume en le lisant ; de même on ne l’emporte pas n’importe où. Il doit être à une place d’honneur dans la maison et il faut être en état de pureté rituelle pour le toucher. Le mushaf – c’est ainsi qu’on désigne le volume du Coran – n’est pas un livre comme les autres. Longtemps manuscrit – l’interdiction de l’imprimer subsista jusqu’au 19e siècle –, sa copie fut l’occasion pour les différents arts du livre, de l’enluminure à la reliure, de déployer toutes leurs splendeurs. L’écriture arabe transcrivant la Parole divine se chargea d’une forte connotation symbolique et la calligraphie, art toujours très vivant, constitua l’un des fondements de l’esthétique en terre d’islam. Cette nécessité de magnifier les mots de Dieu se retrouve dans les exemplaires imprimés ; protégé dans un étui, le texte, à l’image des manuscrits anciens, y est soigneusement écrit. Des versets isolés, calligraphiés, ornent souvent les murs de la maison à une place de choix, d’autres peuvent se porter sur soi en guise de protection.

Coran
Coran |

© Bibliothèque nationale de France

La psalmodie

Mais c’est dans la lecture à haute voix que le texte déploie toute sa singulière puissance poétique. « Récite avec soin le Coran »1, telle est la recommandation qu’on peut lire dans plusieurs versets. Très jeune, on l’apprend dans les écoles coraniques où la mémorisation se fonde sur la répétition inlassable, sourate après sourate, verset après verset.

Le Message touche par son contenu mais aussi par sa forme. La psalmodie accompagne de nombreux instants de la vie. Dans les mosquées des grandes villes, on récite collectivement le Coran avant la prière du soir. Pour certaines cérémonies, durant les veillées du mois de Ramadan ou à l’occasion des grandes étapes de la vie, baptêmes, maladies, décès, on fait appel à un ou plusieurs récitants professionnels autour desquels on se réunit. Après la basmala, le récitant entame la lecture psalmodique dont les règles précises figurent dans les traités de psalmodie tajwîd ; des annotations placées au-dessus du texte mentionnent les arrêts, les pauses, les allongements de sons, les versets où il est exigé de se prosterner. Ces lectures diffèrent selon les écoles, warsh pour le Maghreb, hafs pour le Machreq. Des concours de psalmodie ont lieu chaque année. De nos jours, des récitants célèbres comme le cheikh égyptien ’Abdul Basit ’Abd al-Samad sont diffusés en cassette ou sur les ondes de nombreux pays musulmans.

Notes

  1. LXXIII, 4 ; XXV, 32

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